Il ne doit échapper à personne que durant le Ramadhan, tout fonctionne au ralenti. Certains arrivent en retard, d'autres désertent purement et simplement leur poste de travail. Pour vérifier ces dires, il suffit de téléphoner à la personne que l'on cherche, avec qui on a affaire, pour se rendre compte qu'elle n'est pas à son bureau. S'il s'agit d'un responsable, et que par chance sa secrétaire n'est pas retenue à son tour, par sa « cuisine », elle vous répondra, selon des consignes très strictes, que son chef est en réunion ou qu'il effectue une sortie sur le terrain. Pis encore, si vous vous rendiez sur place, on essayera de vous poser un tas de questions qui vous surprendront : « Si vous veillez la nuit autour d'une table de domino en juxtaposition d'une autre, ornée de zlabia et de kalb ellouz, comment pourriez-vous travailler le lendemain ? Sous une autre forme, comment pourriez-vous travailler quand votre estomac est vide ? » Pendant ce temps, un grand nombre de gens se trouvent au marché. Les habitants de Ghardaïa semblent s'être donné rendez-vous dans les deux marchés de la ville (marché des fruits et légumes de la rue Cheikh El Haouès ou celui du Trabendo de la place Belhadj Daoud) à voir les foules de gens qui s'y agglutinent. Si bien que si l'on ne trouve pas son ami, ou celui que l'on cherche, on y trouve, au moins, ce responsable tant recherché ? Ici, on vient bien sûr pour s'approvisionner en subsistances alimentaires du jour. On y vient aussi pour « tuer » le temps en attendant l'heure de la délivrance, la rupture du jeûne. On y vient contempler les fruits et légumes frais et renifler au passage certaines senteurs, de la menthe et du persil, ces fumets aromatiques de la chorba qui vous attend. Durant ce mois à Ghardaïa, les boutiques de zlabia poussent comme des champignons, on s'invente « zlabiyiste » avec une étrange facilité. Une occasion que les fanatiques de la zlabia ne ratent jamais. Ils font de longues queues devant ces zlabiyistes. Car, il n'est pas question de rentrer à la maison sans ! Bien sûr, en matière d'hygiène, il y a beaucoup à dire. Mais étant très affamées, il est tout à fait évident que les instances concernées par le contrôle sont plus attirées par la zlabia et ses dérivés que par l'hygiène.