La Centrale syndicale a engagé pour le mois de Ramadhan une action de solidarité en direction des démunis. Pour l'assurer, un point de restauration a été affecté à la rue Hassiba Ben Bouali. « L'action est l'expression de la solidarité de tous les travailleurs envers les plus démunis de nos concitoyens », releva Haddid Saïd, chargé de l'opération auprès de l'UGTA. Celui-ci insista sur les enseignements qu'il peut tirer de toute cette tâche ardue et incessante à l'intention des couches défavorisées. L'opération connaît, à en croire M. Haddid, une régularité depuis trois ans déjà. Il rappelle que des actions irrégulières ont été lancées par l'Union des travailleurs après les inondations de Bab El Oued (2001) pour venir en aide aux démunis et aux sans-abri. A cet effet, le foyer des cheminots a été choisi pour accueillir le flux grandissant des nécessiteux. L'UGTA assurera, pour cette année encore, le financement de l'ensemble de l'opération. « Nous tenons pour notre part à collaborer matériellement et financièrement à la bonne réussite de cette démarche plus que nécessaire en ces temps d'indigence. La gestion est assurée par certains membres du personnel de la SNTF. Cette entreprise, faut-il le mentionner, a mis à la disposition du syndicat tout le matériel nécessaire à la restauration », attesta le syndicaliste. Le foyer des cheminots se prête, à voir l'état correct des lieux, à merveille à ce genre d'opération puisque se trouvant au centre-ville. Les « conviés » ne se comptent pas seulement du côté des hommes. « Des jeunes filles ayant raté leur bus nous sollicitent souvent pour les accueillir. Connaissant la retenue et l'attitude réservée de notre société, un espace leur est réservé », dira M. Haddid. Une foule bigarrée se forme aux abords du restaurant et sur l'autre côté de la rue Hassiba. L'atmosphère y est distendue et chacun dans son coin appréhende l'heure de l'ouverture du foyer. Les sans-logis forment le gros des présents. Toutefois, des personnes de passage sont de la partie. L'ouverture du restaurant se fait, dans la sérénité, vers 17 h. Les scènes de bousculade ne sont pas le propre de cet endroit qui accueille en temps normal, faut-il le signaler, les cheminots de la société nationale du rail, dont les chantiers ne sont pas loin. Des tickets portant l'estampille du foyer sont distribués à l'entrée aux personnes qui respectent, sans anicroche aucune, la queue. « Nous ne pouvons ni ne voulons écorner la dignité des personnes. S'il est nécessaire de faire régner un certain ordre dans les lieux, il n'est pas recommandable de toucher les susceptibilités des personnes qui sont fragilisées par les épreuves de la vie », lâcha M. Haddid. Il dira que les organisateurs ont opté pour les badges pour réguler le flux avant de les abandonner. « Nous épions de loin sans toutefois s'ingérer outre mesure. Les personnes peuvent déceler de l'animosité sur toi et voici venus les tracas pour les travailleurs dans ce restaurant. » Les démunis meublent leur temps comme ils peuvent. On y trouve ceux qui lisent, avec des gestes saccadées, leur journal du jour et ceux qui sont absorbés dans leurs rêveries. Trois salles sont retenues pour les accueillir. La salle principale reçoit le plus grand nombre avec une annexe qui a une vue sur le port d'Alger. La troisième est réservée aux familles. Pas moins de 60 tables pour un service de plus de 300 personnes sont disponibles. Le menu est succulent et il est changé quotidiennement. Les desserts sont variés : jus, dattes, etc. Les gens, pour parler d'eux, sont peu prolixes et chacun est à son petit malheur. Des jeunes venus pour la plupart du pays profond prennent d'assaut les lieux. « J'ai pu voir des jeunes venus de Tissemsilt. Ils sont souvent à la recherche de travail. A la nuit tombée, ils rejoignent les lieux », insista, de son côté, Lezzan Hocine, gérant à la SNTF qui met à la disposition de l'UGTA 15 ouvriers du foyer. Les gens trouvent dans cette atmosphère joyeuse le confort. Un accueil plus que convenable les attend chaque jour. L'un deux, un vieux renfrogné et plein d'ecchymoses est, pour ainsi dire, un habitué des lieux. Il rappellera qu'il a été victime en 1995 d'un accident de travail. Ces misères successives l'ont poussé à divorcer d'avec sa femme et vivre sous le toit de son père. Selon lui, l'accueil est tout, sauf précaire. 18h45. En un tour de main, tout le repas est absorbé par les présents qui quittent les salles, la mine heureuse. D'autres jeunes entrent en se précipitant sur les tables encore encombrés de restes. Une des femmes en haillons interpelle le syndicaliste, dans un français impeccable qui laisserait pantois plus d'un. Elle le gratifie d'un sourire et s'en va s'engouffrer dans la nuit noire qui déjà couvre la ville. Cette marque de sympathie fait dire ceci à M. Haddid : « Les gens peuvent cacher leur ignorance mais pas leur faim. »