Chorba, tadjine ezzitoune (viande de bœuf aux olives), hors-d'œuvre, dessert et zlabia. C'est le menu du f'tour à la cité universitaire pour jeunes filles, Baya Hocine, ex-Cube 4 (Bab Ezzouar). Débrayées, les étudiantes pressent le pas vers le réfectoire, munies de marmites, casseroles et saladiers en plastique. Parfois, un objet quelconque ; pourvu que cela serve de récipient. « Ici, on se sert et on rentre chez soi. Les salles de restauration sont fermées durant le mois de Ramadhan », nous lance Camélia, future vétérinaire, originaire de Tizi Ouzou. L'odeur ramadhanesque émaille effectivement l'atmosphère de la chambre ou le « chez-soi », meublé de deux lits superposés. Les quatre pensionnaires qui occupent les lieux s'affairent à donner un goût au plat « universitaire » grâce au précieux camping-gaz, la gazinière par excellence. Nawel, la Bougiote, mijote une farce pour le bourek. Ingrédients : pommes de terre, fromage et quelques rondelles de cachir. Un bourek économique. « Nous ne sommes pas moins loties que les autres », confie le « cordon bleu » du groupe, allusion à la majorité des familles algériennes qui peinent à préparer un bourek à base de tomate et d'oignon. La chambre d'à côté ne déroge pas à la règle. Les feux du camping-gaz font vibrer la chorba que ces trois étudiantes, originaires de Médéa, de Aïn Defla et de Chlef, ont ramené du réfectoire. « Certes elle n'est pas infecte, mais elle a besoin d'être relookée. Nous lui rajoutons quelques épices et le tour est joué », explique Samia, la « mama » de la chambre. Chez les filles de Tiaret, il n'est pas question de mettre au placard la tradition culinaire. « Ce serait un sacrilège si on ne préparait pas, quotidiennement, notre h'rira », dit fièrement une résidante, en exhibant une marmite renfermant le célèbre potage de l'Ouest algérien. Et le temps ? « Nous nous arrangeons pour rentrer à 14h. A trois, nous conjuguons nos efforts pour être à l'heure du maghreb. » Au pavillon voisin, nous faisons irruption chez trois étudiantes tanzaniennes. « Soyez les bienvenus ! », nous lance la « doyenne » dans un français parfait, en mâchant du chewing-gum. « Je suis chrétienne ! », dit-elle, comme pour se justifier qu'elle n'est pas tenue de faire le jeûne. L'une de ses compatriotes, originaire de la province de Zanzibar, vêtue d'un sari et d'un long foulard lui couvrant le corps, est de confession musulmane. « Je pratique le jeûne », dit-elle en anglais. Elle attend patiemment l'adhan du maghreb dans une ambiance familiale et de tolérance. A 16 h, les 4/5 des pensionnaires sont déjà servies. Les retardataires ne se bousculent pas devant les « guichets » des cuisines. A 16h30, plus personne au réfectoire. Salim, le cuisinier, et son équipe, en poste depuis 8h, se permettent de respirer. Une partie des 3000 résidantes (sur 3700 en temps normal) écoute les dernières nouvelles de la radio « locale » via les haut parleurs. Au micro : Kenza, Rebh, Fatima et les autres, sous l'œil bienveillant de Youcef, « géniteur » de la station.