Psychose sur Alger by night. « L'autre jour au marché Meissonnier, un jeune a été poignardé...On m'a raconté qu'une fille a été agressée en plein marché sans que personne bouge... », la ville bourdonne de rumeurs. L'insécurité, pourtant, n'est pas seulement une vue de l'esprit. Même dans les quartiers traditionnellement calmes, on retrouve des petites bandes, de trois ou de quatre adolescents, dont certains sniffent de la colle dans des sachets de lait recyclés, comme au Télemly. Les victimes sont surtout les personnes seules, et le butin préféré reste le téléphone portable. Durant la première semaine du mois sacré, la sûreté de wilaya d'Alger a traité 84 affaires de vols d'accessoires de voiture, 65 cas de vols de portables, 58 vols à la sauvette, 78 affaires de coups et blessures volontaires, 354 affaires de port d'armes prohibées et 11 affaires de vols qualifiés en flagrant délit. « Les voleurs profitent de la foule. Les gens sont massés dans les marchés, ils sont distraits et occupés à faire leurs emplettes. Il est plus facile de tenter un vol dans ces conditions », indique un policier en faction non loin du marché Meissonnier. Une nouvelle mode de vol est apparue depuis quelques mois : des conducteurs de scooters arrachent à la volée sacs ou portables. A côté des larcins, on retrouve niché dans le quotidien ramadhanesque les inévitables séries de bagarres qui interviennent autant avant qu'après le f'tour. Pour une place dans une queue à la boulangerie, comme ce fut le cas mardi dernier à Meissonnier à cause d'un jeune qui avait « trop regardé » la petite amie d'un amateur de sport de combat à l'entrée de la Fac d'Alger, etc. « Pour tout, pour rien, s'insurge le policier, Ramadhan a bon dos ». Dans les salles de jeu, fait-il remarquer, il n'y a qu'à voir à quoi s'amusent les adolescents : les jeux vidéo ultraviolents. Il y a quarante ans, Frantz Fanon a bien expliqué dans les Damnés de la terre que la violence sociale, intériorisée au point d'être normative, exprime un fond de malaise politique, des inégalités oppressantes et un déni absolu du droit des individus. « Dieu mène celui qu'Il choisit vers le droit chemin », commente le policier, l'œil sur les vestiges nocturnes du marché Meissonnier, champ de bataille jonché de milliers de cartons vides, emplis des échos fous d'une tumultueuse journée à venir.