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La violence, un fléau que personne ne semble en mesure d'endiguer
Banalisée et faisant partie du décor quotidien
Publié dans La Tribune le 24 - 02 - 2010

«C'est vraiment dommage, mais il faut avoir le courage de le dire. Plus rien n'est comme avant. Qu'il semble bien loin le temps où l'on pouvait se promener dans Alger en toute quiétude ! La capitale est aujourd'hui méconnaissable car ses artères sont sous l'emprise des voleurs à la tire et autres délinquants. Allah yastar ya oulidi.» C'est en ces termes que s'exprimera un sexagénaire rencontré dans un marché algérois et auquel nous avons demandé de nous donner son avis sur le phénomène de l'insécurité qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Pour notre interlocuteur, le parc d'attractions de Ben Aknoun, Boumati, la ontagne (et bien d'autresquartiers encore) sont autant de lieux boycottés par les Algérois du fait de l'insécurité qui y règne. Selon lui, la situation dans certaines villes de l'intérieur du pays est encore plus délicate dans la mesure où, passé une certaine heure, il est pratiquement impossible de mettre le nez dehors, tant
l'insécurité règne en maîtresse et les risques de se faire agresser sont décuplés. Depuis de nombreuses années, notre pays connaît une hausse très
inquiétante de ce phénomène à telle enseigne qu'il ne passe pas un jour sans que l'on entende parler d'une agression ou d'un meurtre par balle ou à l'arme blanche. Dans ce cadre, les chiffres donnés par les services de police et de la Gendarmerie nationale (lors de leurs rencontres périodiques avec la presse nationale) se passent de tout commentaire et les bilans donnent le tournis. Ils attestent de manière tangible que l'insécurité est en nette avancée.
Désormais, il va falloir composer avec ce paramètre.
Trains, bus et autoroutes, lieux de prédilection des bandits !
Pour d'aucuns, les proportions prises par la toxicomanie sont pour beaucoup dans le spectaculaire essor de l'insécurité. Celle-ci ne semble épargner aucun endroit. Là où l'on se trouve, la hantise de se faire agresser est omniprésente. Les trains, les bus, les rues pullulent de délinquants prêts à passer à l'action. En deux temps, trois mouvements, ils délestent leurs victimes de tout objet de valeur (bijoux, argent, téléphones portables…). «Généralement, c'est sous la menace d'une arme blanche qu'ils opèrent. Ils guettent leurs proies à un endroit préalablement choisi. Ce sont de véritables «professionnels». Ils ne laissent rien au hasard. Tout est calculé afin de s'assurer les meilleures chances de réussite. N'essayez surtout pas de riposter car ces voyous évoluent en groupes», nous dira un homme âgé rencontré dans un café. Son ami, assis à côté de lui, ajoutera que les autoroutes constituent le point de mire de ces délinquants rassurés par le fait que les piétons y sont très peu nombreux. «Ne vous avisez surtout pas de vous arrêter pour changer une roue crevée ou pour une toute autre raison. Ces vautours sont aux aguets même si vous ne vous en rendez pas compte. On m'a personnellement volé mon téléphone portable sur un axe autoroutier alors que j'étais en communication. Profitant du ralentissement des voitures, à la faveur de l'un des barrages de police, un jeune a surgi de je ne sais où, me subtilisant le téléphone avec une facilité qui atteste de manière claire qu'il n'en était pas à son premier coup», nous dira-t-il. Une autre personne nous informera que, pour arriver à leurs fins, certaines bandes simulent une bagarre. Attirées par les rixes et gênées par la circulation qui s'ensuit, des familles se font dérober leurs biens. Autre lieu de prédilection des malfrats, les trains.
A l'approche d'une gare, il vous faut faire preuve d'une très grande vigilance car, dès que le train commence à ralentir, les agresseurs, qui auront au préalable repéré leur proie, attendent le moment opportun pour passer à l'action. Avec une rapidité qui vous laisse pantois, et bien avant l'arrêt complet du train, ils délestent leur victime et se précipitent à l'extérieur sous le regard stupéfait des passagers ! Ces derniers temps, les usagers du rail ont très certainement dû remarquer la présence de gendarmes. Ceux-ci patrouillent tout au long du trajet, n'hésitant pas à interroger des suspects et à leur demander d'exhiber leurs papiers d'identité.

L'insécurité dans les villages, un indice plus que révélateur
L'insécurité rampante touche même les villages d'Algérie. Jadis, de véritables havres de paix, ceux-ci n'ont pas été épargnés par ce phénomène. «Auparavant, durant le week-end, je me levais de très bonne heure pour me rendre avec ma petite famille en Kabylie rendre visite à mes parents. Vu que les routes étaient peu fréquentées, je mettais un peu plus d'une heure pour arriver à destination. Mais, depuis quelques années, pour me rendre en Kabylie, je vous avoue que je ne sors pas de chez moi avant 7 heures du matin. Je veux à tout prix éviter d'arriver tôt à l'endroit où je me rends. Je redoute de faire l'objet d'une agression ou d'un racket, d'autant qu'aux premières heures de la matinée, les routes sont vides, ce qui augmente le risque d'agression. Les informations rapportées de temps à autre par la presse nationale me confortent dans mon attitude. Je ne veux en aucune manière que des moments censés être ceux de joie se transforment en cauchemar. Tant pis si je ne peux pas profiter de ma journée comme il se doit mais je ne veux en aucune manière m'exposer et exposer ma famille à un quelconque danger», nous dira une personne habitant Alger, ajoutant qu'il ne va désormais qu'une fois par mois voir ses parents. C'est d'ailleurs pour dénoncer l'insécurité qui caractérise cette région du pays, particulièrement la région de Tizi Ouzou, que des étudiants et étudiantes résidant dans les trois cités universitaires de la banlieue est de la ville, ont, il y a une dizaine de jours environ, organisé une marche de protestation. Selon des représentants des étudiants, les agressions aux alentours (voire à l'intérieur) des trois cités se sont multipliées ces derniers temps. Ils dénoncent le fait que n'importe qui peut entrer dans ces cités, manger ou dormir à sa guise sans être inquiété outre mesure. «Nos camarades ont été agressés par des extra-universitaires au réfectoire sans que l'administration lève le petit doigt», avait-on déploré. Pour de nombreuses personnes interrogées, l'été est la saison la plus propice pour la prolifération de l'insécurité sous toutes ses formes.
Les agressions à l'arme blanche, les rackets et les vols de voitures sont légion. Des groupes de délinquants dictent leur loi sur les villes côtières en dépit des
opérations coup-de-poing lancées par la Gendarmerie nationale dans le cadre du plan Delphine. Rien ne semble dissuader ces groupes de malfaiteurs. Certaines plages, au regard de l'insécurité qui y règne, sont devenues infréquentables. Des agressions se font au su et au vu de tout le monde de jour comme de nuit. Interrogé, un officier de police incombera cette recrudescence de la violence à la perte, par la société, d'un certain nombre de repères. Pour lui, la décennie du terrorisme a grandement influé sur le comportement des gens. Ceux-ci sont devenus très violents à telle enseigne que, pour des histoires banales, de simples querelles aboutissent à mort d'homme. «Tout semble se faire par la violence chez nous. C'est à croire que l'Algérien a un comportement violent de nature. Même si parfois la violence physique est inexistante, un autre type de violence prend le relais. Il s'agit de la violence verbale et des insanités déversées, surtout à l'adresse des jeunes filles, par des adolescents déchaînés», insistera-t-il. Pour notre interlocuteur, beaucoup de jeunes délinquants ont profité de la période liée au terrorisme pour s'adonner à des actes de banditisme tout en tentant de les attribuer aux groupes sanguinaires.
A l'université de Blida, un enseignant insistera pour dire que lui et ses pairs risquaient leur peau pour une note d'examen, nous rappelant, dans la foulée, le drame survenu, il y a une année, à l'université de Mostaganem, où un professeur de renom a été assassiné. Il faut dire que ce dernier incident qui, on s'en souvient, avait jeté l'émoi parmi la communauté universitaire du pays (et aussi au niveau de toute la société) a suscité des débats très passionnés sur la sécurité dans et autour des universités et des moyens susceptibles de la renforcer. En guise de solution à ce phénomène, certains préconisent le renforcement des mesures répressives à l'encontre de ces hors-la-loi. «Pour moi, ces gens-là sont méprisables. Ils ne méritent aucun respect. Ils ne comprennent que le langage de la force car comme le dit si bien un adage bien de chez nous, adherbou yaaraf madharbou [frappe-le et il connaîtra ses limites]», martèlera-t-il, nous avouant que, si jamais il se faisait voler ou agresser par quelqu'un, il se ferait justice à lui-même. Plus philosophe, faisant toutefois preuve de réalisme, un vieux tiendra à nous dire que la violence a de tout temps existé. «Même les nations les plus développées n'en sont pas épargnées. Ce qui est regrettable chez nous, c'est que,jusqu'à un temps relativement récent, ces phénomènes n'existaient pas. En tout cas, ma profonde conviction est que la violence traduit un profond malaise social et qu'elle vient en réponse à l'injustice», conclura notre interlocuteur.
B. L.


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