Les chœurs des femmes kabyles, appelés Tibugharine continuent de jalonner nos mœurs. Dans les cérémonies de mariage, à l'heure traditionnelle du henné, un cercle d'initiées se forme, presque spontanément. Cette poésie ancestrale, mais surtout laudative, est déclamée collégialement. Il est généralement question de la solidification des liens familiaux, de bravoure d'untel, ou diviniser la beauté d'unetelle. Pendant ce rituel (le henné), aussi festif qu'immuable, la symbolique veut que l'on emprunte aux saints et à la nature leurs vertus pour imager les aspects de la vie, dans ses qualités ou dans ses défauts. La vie communautaire évoquée sous de multiples facettes renforce la fibre de la solidarité. Cette poésie savamment rimée requiert une certaine rigueur dans la déclamation. L'oralité fait alors le reste. Les femmes âgées se le sont appropriées pour la perpétuer. Un autre rituel est encore présent en Kabylie, toujours dans cet aspect festif. Il s'agit des joutes poétiques, communément appelés le vendeur du henné. Une tradition que les Ath Jennad continuent de perpétuer. Lors d'un mariage, un duel s'engage entre un homme et une femme pour louer les vertus des deux sexes. Dans une trame savamment orchestrée, l'homme et la femme, qui au préalable ont une certaine maîtrise du verbe, s'échangent des propos rimés pour s'accaparer du trophée, le henné du mariage. Le public est captivé par la nature et la portée des répliques que les deux antagonistes se lancent. La subtilité se charge de vanter le charme des femmes et la virilité des hommes. Ce patrimoine ancestral commun, arrive à se transmettre par la force du verbe à des générations. Une interactivité est exercée sur les individus, au sein d'une même société, par des facteurs comme la langue, les croyances, les mythes, les coutumes.