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Un des catalyseurs du combat révolutionnaire
Du mouvement nationaliste à la guerre d'indépendance
Publié dans El Watan le 23 - 08 - 2010

Slimane Bentobal vient de disparaître, laissant derrière lui un immense héritage fait de luttes pour la dignité, la liberté et l'indépendance de l'Algérie. Il est aussi l'un des rares responsables du FLN/ALN, sinon l'un des premiers, à avoir ressenti la nécessité de laisser derrière lui ses mémoires.
Il est très difficile de brosser en quelques lignes la vie d'un homme qui a traversé les années cruciales de la montée du nationalisme indépendantiste, tout d'abord comme témoin, comme acteur ensuite, jusqu'à devenir un des membres fondateurs du FLN (Comité des 21), puis un des principaux responsables de la direction de la guerre (membre du Comité de coordination et d'exécution du FLN, CCE 1957-1958, et du Conseil national de la Révolution algérienne, CNRA 1956-1962), membre de la délégation du FLN/ALN aux négociations qui ont mené en mars 1962 au cessez-le-feu.
Je me permets ici d'évoquer quelques aspects d'un des moments cruciaux de la part que cet homme a versés, avec d'autres militants et responsables nationalistes indépendantistes, pour la libération de ce pays.

Novembre 1954 - l'organisation révolutionnaire du peuple : du principe à la réalité

On a souvent l'habitude de dire «ces hommes qui ont pris le maquis en 1954». Mais qu'est-ce au juste ces maquis du Nord constantinois auxquels Bentobal a pris une part notable ? Car, traiter des maquis n'est pas seulement parler de groupes armés ou d'unités de combat dispersées, d'hommes en armes qui se seraient lancés à l'assaut d'une armée étrangère soutenue par des moyens colossaux. La guerre d'Algérie n'a pas été une guerre au sens classique du terme et s'en tenir à cette conception purement militaire c'est céder à un point de vue réducteur.
Dans l'esprit de Bentobal comme dans celui de ceux qui ont déclenché la lutte armée, l'idée dominante est qu'ils se sont engagés dans une guerre révolutionnaire. Pour s'en convaincre, il y a lieu, tout d'abord, de rappeler que l'ensemble des membres du commandement de la Zone 2 (Nord constantinois) ont appartenu à l'aile radicale du mouvement nationaliste, c'est-à-dire au Parti du peuple algérien. Ils ont même été, pour beaucoup d'entre eux, membres de l'Organisation spéciale (OS) et ont donc vécu dans les dures conditions d'une action politique insurrectionnelle dès avant-novembre 1954.
Sur le plan de la formation idéologique et politique, le document de référence des cadres de l'organisation est le rapport présenté en 1948 au comité central élargi du PPA. Dans ce texte qui servira de base aux différents livrets de formation des partisans de l'OS puis de la première ALN, il est dit clairement que «La guerre de Libération sera une véritable guerre révolutionnaire. Aussi bien, la guerre révolutionnaire est la seule forme de lutte adéquate aux conditions qui prévalent dans notre pays. C'est la guerre populaire. (…) Par guerre populaire, nous entendons guerre des partisans menée par les avant-gardes militairement organisées des masses populaires, elles-mêmes politiquement mobilisées et solidement encadrées. Par leurs origines et leurs rôles, les partisans sont à la fois des soldats et des éléments de Landsturm.»
Des circonstances historiques et politiques particulières, que nous n'aurons pas l'occasion de développer ici, ont fait que la plupart des éléments qui sont passés à l'action armée en novembre 1954 (dont Bentobal), à l'exception de trois d'entre eux, étaient des militants anonymes sans visibilité particulière dans la structure du parti. Ce dernier, en pleine crise de direction, n'était pas près à leur servir de réserve en homme ni même de cadre organisationnel. Ils ont donc été acculés à se lancer dans l'aventure d'une guerre révolutionnaire, sans l'appui logistique et politique de leur propre parti et sans que leur acte soit compris par la majorité des militants nationalistes.
Cet événement éclair fait que ce groupe du 1er Novembre 1954 a dû créer ex nihilo les conditions de son propre combat. Dès les premières escarmouches, il a découvert les dures contraintes de la guerre de guérilla et appris à composer avec la diversité sociologique d'une société rurale, celle de populations montagnardes avec leurs systèmes de notabilité, leurs ordres claniques et clientélaires, leurs assemblées traditionnelles, leurs mœurs et leurs coutumes locales. Par la force des choses, c'est sur cette diversité que les maquis vont bâtir leurs premières bases d'appui. Ici, les témoignages concordent pour en décrire les
circonstances :«C'est après le déclenchement que nous avons réalisé tous les problèmes de la logistique (…) Pour nous, la logistique restait jusqu'alors quelque chose de vague. Nous disions que la nourriture nous viendrait du peuple. Mais qui est ce peuple ? Nous ne le savions pas. Le peuple, ce sont des individus qui le composent. Nous étions loin de nous l'imaginer. Pour nous, le peuple était là, présent devant nous et cela suffisait. C'était juste, mais sur le plan de l'idée seulement. Dans la réalité, le peuple n'était pas prêt à affronter le stade du sacrifice. Et puis, il n'avait pas les moyens de nourrir un nombre si important de militants.»
Peu d'armes, une confiance limitée en ce peuple qu'ils devaient libérer et, inversement, une confiance limitée de ce même peuple envers ces porteurs d'armes sortis de nulle part, ne possédant aucune légitimité et ne répondant à aucun système de référence connu. Pas de structure de parti, ni de cellule, ni de secteur, ni de zone ; seuls existaient des groupes épars appelés Armée de libération nationale (ALN). Et, comme le pays profond, celui de la montagne et des campagnes reculées, est marqué par la diversité, pendant les premiers mois, sinon les premières années de la lutte de libération, la structure des maquis a reflété cette diversité fondamentale dans ses formes d'organisation.
Comme la lutte qui s'est menée à l'est ou à l'ouest de l'Algérie, en pays kabyle ou en pays chaoui, dans les campagnes ou dans les zones urbanisées, les maquis de la Zone 2, c'est-à-dire du Nord constantinois, ont été un organisme multicellulaire se développant par scissiparité
Dans cette région, passé le premier choc provoqué par la rencontre avec le dur principe de réalité, il a fallu aux «insurgés» parmi lesquels se trouvait S. L. Bentobal, s'imposer politiquement et militairement, car il s'agissait-là d'un impératif primordial de survie en situation insurrectionnelle. Ce sont, encore une fois, les circonstances qui ont amené ces premiers hommes et ces premiers maquis à jeter les bases de ce que l'on pourrait appeler un appareil d'Etat embryonnaire, celui d'un nouveau référent central logique autant que d'une nouvelle légitimité. Il fallait, en effet, tout à la fois contester le monopole de la violence à la France et mettre en place un dispositif de gestion des temporalités capable de se substituer à la puissance tutélaire.
Tout au long des premiers mois, l'organisation que tentaient de mettre en place Bentobal et ses compagnons de lutte a buté tant sur l'absence d'expérience des hommes en armes que sur les pesanteurs sociologiques dont nous avons parlé. Il fallait absolument trouver une issue pour impliquer ce peuple dont on voulait la libération. Ce n'est en fait qu'en août 1955 que Zighout Youcef ouvre la voie en déclenchant une levée en masse de la population et en la lançant à l'assaut des centres de colonisation. La répression massive et aveugle des troupes françaises a fini par faire basculer dans les rangs de l'ALN tous ceux qui avaient jusque-là hésité à le faire.
Selon le témoignage de Bentobal et des autres acteurs eux-mêmes, ce fut par nécessité, par besoin ou par contrainte que l'organisation du peuple a été amenée à s'élargir par la force des choses. Les premiers hommes avaient quelques refuges et quelques militants prêts à les accueillir. Pour chaque refuge constitué, le militant qui en avait la charge était contraint d'en créer d'autres de secours. «Qu'il l'ait voulu ou non, que nous l'ayons voulu ou non, il (le militant) créait de nouveaux refuges, d'abord pour assurer sa propre sécurité, ensuite pour ne pas avoir à nous garder trop longtemps (…). De notre côté aussi nous devions créer des refuges et, à chaque refuge créé, c'était une nouvelle cellule de militants qui se constituait. Chaque cellule se démultipliait ainsi en autant de cellules que de militants qu'elle comprenait (…). Après trois ou quatre mois, nous avions mis en place une structure qui n'était peut-être pas suffisante, mais qui avait fini par toucher toutes les régions et les villes. C'est par elle que nous avons atteint le stade d'une organisation plus vaste.»
Ainsi, avec la consolidation des premières bases, d'autres besoins apparaissaient. Il fallait trouver des sources de financement pour équiper et nourrir la nouvelle organisation du peuple. Lever des cotisations supposait la mise en place progressive d'un véritable système d'impôt révolutionnaire qui, lui-même, va nécessiter la création d'une nouvelle structure financière. Faire de la propagande pour recruter et renforcer les unités armées a entraîné la mise en place de nouvelles fonctions dans la structure. C'est là que vont commencer à apparaître les premiers responsables à la propagande que l'on nommera, après le 20 août 1956, les commissaires politiques.

L'organisation civile du peuple : le principe de fusion des organes

Les tâches augmentaient et, avec elles, les besoins en organisation. De la mise sur pied des unités de combat et de leur logistique, les maquis sont passés à l'organisation civile du peuple. Des comités de douar sont créés avec une branche chargée de la justice, une autre des cotisations, une troisième de l'état-civil, une autre enfin du ravitaillement de l'ALN ou, dans certaines circonstances, de l'aide alimentaire apportée par les unités de l'ALN aux populations.
Le même principe d'organisation se retrouvait au niveau de la région (nahya) et aussi à celui de la zone (mintaqa). Cette organisation était valable pour les campagnes tandis que, dans les villes, les structures variaient. En gros, dans ces dernières, on avait repris le principe d'organisation hérité de l'OS.
Ainsi, le Nord-Constantinois était arrivé au 20 août 1956 avec un embryon de structure para-étatique avec ses commissions judiciaires et ses services d'état-civil. Il y avait même un service de garde-forestiers et des darkis (gendarmes) qui, sans être sous l'autorité directe de l'armée, dépendait de la direction des maquis.
Pour conclure ce court propos, il faudrait écouter ceux qui, avec Bentobal, ont eu à mettre toute cette organisation en place, une organisation que l'on appelle grossièrement les maquis mais qui, en fait, s'est avérée être beaucoup plus qu'un territoire occupé, une sorte de contre-Etat, une entité souveraine opposée à l'autorité administrative et militaire de la France.
«Dans la campagne, on peut dire qu'à un certain stade, l'organisation dépassait le côté insurrectionnel. C'était, pour ainsi dire, le commencement d'installation d'un embryon d'Etat nouveau. C'était le peuple lui-même qui prenait en charge sa propre destinée (…). On peut penser que toute cette organisation était appelée à faciliter la lutte armée. En réalité, je peux dire que la lutte armée a été menée pour permettre et faciliter l'organisation du peuple, pour qu'il puisse régler ses affaires par lui-même. Ce n'était donc pas l'organisation d'un parti ; cela ne ressemblait à aucun parti.»
Une fois encore, ce sont les circonstances qui ont poussé les maquis à redécouvrir le principe de l'organisation du peuple dans toute guerre révolutionnaire. Ce faisant, ils ont été amenés à réaliser, dans les faits, l'organisation imaginée par le rapport de 1948 (cf. supra).
Voilà ce que l'on peut dire des premiers pas du militant Bentobal dans la lutte de libération. Devenu responsable de la Wilaya II, il sera l'un des maîtres d'œuvre de l'organisation révolutionnaire du peuple. Après son passage aux frontières et l'ascension vers les sommets de la hiérarchie politique où les décisions capitales engageant la lutte armée sont prises, on le voit apporter sa part à la mise en place des embryons de l'Etat algérien et à sa relation à sa base politique (à la société tout entière) mais aussi et surtout aux armées des frontières. Comme il apportera également sa part dans la définition de la relation de la Révolution algérienne à la France et à son gouvernement. Il participera activement aux missions visant à sortir la Révolution algérienne de l'isolement diplomatique. Il fera partie des pourparlers puis des négociations officielles qui aboutiront aux Accords d'Evian.
Tout ce que nous pouvons dire pour conclure ce rapide survol des contributions du défunt Bentobal à la Révolution algérienne, c'est que, après son arrestation par un de ses anciens compagnons d'armes, l'été 1962 à Constantine, il avait décidé de quitter définitivement la scène politique et celle du pouvoir d'une Algérie qui allait devenir souveraine.
(*) Universitaire, maître de conférences
en histoire (août 2010)


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