Quand Gabriel Garcia Marquez entendit le mot « Arabes », il me coupa, poussa un grand « Ah ! », et enchaîna : « Ah ! Les Arabes, mes amis. Ils ne m'ont jamais payé un sou pour mes droits de traduction !(1) Et pourtant, ils ne manquent pas d'argent ! » Quelques secondes de silence. J'étais pétrifié par ces paroles amères ! Enfin, j'ai pu lui dire, presque en balbutiant, que je représente une société algérienne étatique qui paie les droits de traduction. Avec son humour inégalé, il me lança : « Dans ce cas, vous êtes aussi beaux que le K de Buzzatti ! » Rires. Puis, nous reprîmes notre discussion. En véritable professionnel, Gabriel Garcia Marquez me fit comprendre la procédure à suivre pour acheter les droits de traduction de son livre Une odeur de guyave. Militant de gauche, interdit de séjour dans son pays La Colombie, Gabriel Garcia Marquez a connu les Algériens pendant les années 1950. Il était exilé à Paris et fréquentait beaucoup les milieux de gauche du tiers-monde. Quand la guerre d'Algérie éclata en novembre 1954, Gabriel Garcia Marques devint un grand sympathisant de la cause algérienne. Pendant les ratonnades de Papon à Paris, en octobre 1961, l'ayant pris pour un Algérien (depuis lors, le Nobel 1982 dit en blaguant avec ses intimes : « Je ressemble à un Algérien, non ? »), la police parisienne l'interna durant 48 heures. Il a fallu, pour le libérer, l'intervention d'un officier de police français connaissant l'espagnol (parce que sa mère était espagnole) et qui a reconnu Gabriel Garcia Marquez(2). Après l'indépendance de notre pays, il a été invité(3) par la présidence de la République algérienne pour les commémorations des 10e, 20e et autres anniversaires du 1er Novembre 1954. Il venait, en qualité de diplomate, avec la délégation cubaine. En 1984, G. G. Marquez relata dans la préface de son livre Chronique d'une mort annoncée que l'inspiration de ce roman lui est venue alors qu'il attendait son avion dans le salon d'honneur de l'aéroport d'Alger(4).(A suivre) 1 G. G. Marquez a toujours dénoncé les traductions pirates de ses livres dans le monde arabe. 2 Voir G. Mendoza/G. G. Marquez : Une Odeur de guyave (éditions Grasset - Paris 1982) version arabe publiée sous le titre : G. G. Marquez Raed El Waki'a Essihria (éditions ENAL-1984). 3 Dommage qu'on n'ait jamais présenté le Nobel 1982 et ami de l'Algérie aux Algériens assoiffés de culture ! 4 Voir préface du roman de G. G. Marquez Chronique d'une mort annoncée (éditions Grasset, Paris 1984).