La bâtisse paraît secrète aux automobilistes qui empruntent le boulevard Frantz Fanon vers les Tagarins ou pour descendre vers le centre d'Alger. « Ce n'est pas une forteresse, nous ne fonctionnons pas en vase clos », rassure Mohamed Kechouane, premier responsable du Centre de recherche nucléaire d'Alger abrité au sein du bâtiment dessiné par l'architecte Michel Luycks dans les années cinquante. C'est ici aussi le siège du Commissariat à l'énergie atomique (Comena) qui chapeaute les quatre centres de recherche de Draria, dont dépend le réacteur Nour (1 mégawatt), de Birine, dont dépend le réacteur Salam (15 mégawatts) et de Tamanrasset, chargé notamment de l'extraction de l'uranium dont les réserves en Algérie seraient appréciables. Aujourd'hui et demain auront lieu à Alger les journées d'étude sur l'avant-projet de loi nucléaire. « Les textes régissant le secteur datent de 1986 et ont été complétés par une série de décrets, rappelle M. Remki, chargé de la coopération, nous avons besoin d'un nouveau cadre réglementaire pour parachever le processus d'adhésion à l'ensemble de l'arsenal international en matière de réglementation. » L'Algérie est signataire du Traité de non-prolifération (TNP) et de l'accord de garantie généralisée géré par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) basée à Vienne. Notre pays devra parachever ce processus par la signature du protocole additionnel à l'accord de garantie et pour ce faire, la loi nucléaire devra « donner plus de prérogatives de contrôle et de sanctions au Comena », selon les termes de ses responsables. Ces derniers expliquent que la mission du Comena consiste, notamment, en le contrôle des équipements à caractère radioactif ou ionisant dans les secteurs de l'industrie, de la santé et de l'agriculture. Mission inscrite dans le régime d'autorisation et en collaboration avec les services de la Douane, de la Protection civile et des ministères concernés. Par exemple, les services du centre de recherche inspecte l'installation d'un cabinet de radiologie en examinant, entre autres, l'épaisseur des murs et le profil du personnel. Les denrées alimentaires sensibles importées sont également examinées par le centre, tel le lait en poudre, en collaboration avec les Douanes. Samedi 1er octobre, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, a annoncé que l'Algérie a décidé de développer l'industrie du nucléaire. Démarche qui s'inscrit dans l'utilisation pacifique de l'atome. Le ministre avait évoqué l'uranium et l'énergie nucléaire comme « une option technologique qu'il ne faudrait ni idolâtrer ni diaboliser ». En mars 2005, le Comena a déclaré vouloir participer au programme de production d'eau dessalée lancé par l'Algerian Energy Company (AEC) sur le littoral et envisagerait également l'emploi de l'énergie nucléaire pour la production d'électricité. A rappeler que 16% de la production mondiale d'électricité, soit 2618 kwh, sont fournis par les centrales électronucléaires qui sont au nombre de 439. La palette des secteurs à investir reste large. « Avec un bon partenariat, nous pouvons nous lancer, par exemple, dans la production des isotopes médicaux, bien qu'il s'agisse d'un domaine assez fermé », explique M. Remki. L'Algérien est-il sensibilisé aux risques nucléaires ? « Nous avons organisé ici il y a trois mois un exercice de simulation avec la Protection civile. Ils avaient imaginé un incendie dans un hôpital doté d'installations radioactives. La conscience de ce genre de risque commence à éclore et nous percevons ce changement chez nos partenaires dans les ministères et ailleurs », indique M. Kechouane.