Olivier, le fils « biologique » de Frantz Fanon, comme il tient à le préciser, est un quinquagénaire plein d'entrain, débonnaire et cordial. La ressemblance avec le portrait du père est troublante, mais la chaleur du contact dissipe le trouble dès les premières paroles échangées. Olivier est venu spécialement de Paris pour participer au colloque sur la pensée de Fanon, organisé par la direction de la culture au centre universitaire d'El Tarf les 30 et 31 mai dernier. « Bien entendu, j'en ai profité pour me recueillir sur la tombe de mon père à Aïn El Karma », dit Olivier qui nous a livré ses sentiments en les agrémentant de succulentes anecdotes. « Ce deuxième colloque au centre universitaire d'El Tarf, à quelques encablures du carré des martyrs où est inhumé Frantz Fanon, est plus que louable. Ce serait formidable si cela s'inscrit dans la continuité. Il y a cependant des imperfections qu'il faudra corriger. Je ne parle pas des aspects organisationnels et logistiques », commente notre interlocuteur qui déplore que « les débats, qui n'ont pas toujours été au niveau souhaité, ont montré que Frantz Fanon et sa pensée restent limités à certains des cercles d'initiés et n'ont pas encore gagné la sphère universitaire dans son ensemble, contrairement à ce qui se passe ailleurs, notamment en Europe, aux USA et au Canada ». Sur un autre plan, celui de la situation du pays, Olivier fait le constat que contrairement à Frantz Fanon qui a associé ses idées, ses écrits, son discours à ses actes - il cite la démission de Fanon pour rejoindre le FLN - « sa praxis » est loin d'être suivie en exemple par ceux qui prétendent s'inspirer quotidiennement de ses idées ou celles portées par la révolution algérienne. Le fossé qui se creuse entre le peuple et les dirigeants a pour origine, soutient Olivier, l'écart entre le discours euphorisant des responsables et l'extrême précarité dans laquelle sont plongées de larges couches de la population. « J'ai eu doublement mal lorsque j'ai ouvert les journaux qui rapportaient la série d'affaires de corruption à Blida, tout particulièrement celle de l'hôpital psychiatrique qui porte le nom de Frantz Fanon où se sont minutieusement élaborées les thèses de mon père », nous a-t-il déclaré pour commenter l'actualité récente dans notre pays.