Les propos rassurants du président-directeur général d'Air Algérie, Wahid Bouabdellah, quant à la situation au sein de la compagnie, tranchent totalement avec ceux de Lamnouar Azzoug, président de l'Association nationale des techniciens de la maintenance avion et ex- syndicaliste. Ce dernier dresse un constat alarmant et appelle à une réaction urgente des plus hautes autorités. Du côté de la compagnie, on parle de contrevérité… Visiblement la situation au sein d'Air Algérie n'est pas aussi rassurante, en dépit des propos optimistes de son premier responsable, Wahid Bouabdellah. C'est en tout cas ce que déclare le président de l'Association nationale des techniciens de la maintenance avion (ANTA) et ancien cadre syndical (à la maintenance), Lamnouar Azzoug, qui note avoir déjà alerté le ministre des Transports sur «le danger» qui pèse sur la compagnie.Il rappelle avoir déjà alerté par écrit le ministre des Transports sur le sentiment «d'inquiétude» du personnel sur «le devenir de la maintenance avion dans notre pays» depuis que «la restructuration» de «certaines de ses entités» a été décidée. Dans ce rapport, adressé une première fois le 10 mai 2009, où M. Azzoug parle «des dangers qui guettent ce volet stratégique pour le pays (…) qui doit susciter un intérêt particulier» des plus hautes autorités. Moins de trois mois après ce rapport, la compagnie nationale est épinglée par l'Aviation civile européenne et risque même, si elle ne se conforme pas aux normes internationale, de se voir inscrite sur sa liste noire. M. Azzoug estime que cette décision n'est pas fortuite, du fait de la situation à laquelle est arrivée Air Algérie. Pour lui, «le remplacement hâtif et anarchique de l'organigramme de la direction de la maintenance, alors qu'il a été déposé au niveau de l'organisme certificateur européen, suivant un cahier des charges préalablement établi, la descente aux enfers des cadres compétents et valeureux pour des motifs fallacieux, le transfert empressé et injustifié au niveau de la base de maintenance et le démembrement de la cette direction élevée au rang de division, avec la mise à l'écart des cadres compétents ont été les principales raisons qui ont poussé aux graves anomalies à l'origine de la mise en garde de l'autorité européenne». Le président de l'ANTA précise avoir alerté par écrit, document à l'appui, le PDG d'Air Algérie, pour l'informer de «l'irrégularité, l'inopportunité, sinon du danger encouru par la maintenance qui subissait des soubresauts destructifs. Mais curieusement, aucune suite n'a été donnée. Le résultat affligeant et attristant est la menace réelle des autorités de l'aviation civile européenne de porter notre compagnie sur la liste noire. Il va sans dire que malgré les attaques en règle que subit le personnel très compétent de la maintenance, ce dernier fournit des efforts colossaux pour épargner cette éventualité au pavillon national. Malheureusement, ces efforts ne sont pas accompagnés par des prises de décision visibles et viables». M. Azzoug rappelle le contenu du rapport qu'il a adressé au ministre des Transports le 10 mai 2010 et qui alerte déjà sur les conséquences d'une telle situation. D'abord, souligne-t-il, l'adoption «étonnante», le 3 mai dernier, par la direction générale d'Air Algérie et en «catimini» d'un schéma de restructuration «non prévu par la réunion du conseil d'administration tenue le 26 décembre 2009». Pour lui, «ce schéma hybride tend à une filialisation, alors que celle-ci a été écartée à court et moyen termes par la direction générale. On ne peut raisonnablement décider d'une restructuration de la maintenance en l'état actuel de démembrement et de déliquescence, opérée depuis deux années. L'ANTA avait, en date du 21 mars 2009, saisi le PDG d'Air Algérie sur le danger qu'encourt la maintenance. En effet, dès l'avènement de la nouvelle direction, on a procédé à la déstructuration de pans entiers de ce secteur». A ce titre, il met en exergue tous les griefs cités plus haut, dont le transfert «injustifié» des ateliers en expliquant qu'«un budget fut alloué à la construction d'une structure (troisième tranche) devant abriter les ateliers, on a détruit un atelier vital (traitement de surface/anodisation et cadmiage des pièces d'avion) pour y entreposer les bancs d'essais hydrauliques dont les fluides de fonctionnement sont incompatibles (les émanations de gaz de l'un détruiraient les joints de l'autre). Les bureaux du bloc administratif furent transformés pour y installer les ateliers. Les partisans de cette opération se vantent d'avoir fait des économies, alors qu'on a dépensé autant pour transformer les bureaux en ateliers». D'autre part, Azzoug s'interroge sur la cession à une société hollandaise K'AIR «des magasins de pièces de rechange et d'autres outillages spécifiques propres aux vieilles flottes cédées (B737/200, A310/200 et Fokker 27…) (qui) enlève à la compagnie sa capacité à traiter ces types d'avion, alors qu'elle reçoit des demandes importantes d'Afrique et du Moyen-Orient. Bien que le contrat fut rompu, dans les mêmes conditions qu'il fut conclu, le magasin central des pièces de rechange étant mis sens dessus dessous, au point qu'il est devenu ingérable. Nous éprouvons d'énormes difficultés dans la prise en charge du B737-200 du Soudan. Comment rentabiliser la base maintenance qui a coûté au moins 140 millions de dollars si on lui enlève ses moyens de production ?» Pour toutes ces raisons, l'auteur demande le retrait du plan de restructuration, mais souhaite en parallèle le renforcement de la direction en moyens humains et matériels, tout en appelant à la prudence et à la concertation au sein de la compagnie pour éviter les expériences de partenariat, à l'image d'Air Algérie et de Tassili Airlines. Il conclut en exprimant «la crainte» du personnel pour l'avenir de la maintenance, un service, dit-il, qui a pris en charge avec succès les renouvellements successifs de la flotte du DC4 et Caravelle à l'actuel Boeing 737-NG et Airbus A330 et qui a besoin aujourd'hui d'être préservé et consolidé.