Le passage du chantre de la chanson kabyle, Lounis Aït Menguellet, lundi soir à Constantine, restera sans conteste l'un des moments culturels et artistiques mémorables et émouvants de l'histoire de la musique de l'antique Cirta. En effet, pour sa première venue dans la ville des Ponts en tant qu'artiste — il révélera y avoir passé son service militaire entre 72 et 73 —, Aït Menguellet a été accueilli comme un roi. L'interminable et émouvante ovation à laquelle il aura droit à son entrée sur scène lui révélera fortement tout l'amour que pouvaient lui porter les Constantinois. C'est d'ailleurs ému qu'il s'adressera au public pour le remercier de tant de témoignages d'amour et de respect, révélant qu'il allait interpréter des chansons dont les poèmes ont été écrits durant son long séjour à Constantine au début des années 1970. Malgré une chaleur suffocante, l'aération et la climatisation faisant cruellement défaut au niveau de la salle des spectacles du palais de la culture Malek Haddad, laquelle était pleine comme un œuf, les fans ne se laisseront nullement décourager, surtout les «mémés» résolues à voir de près cette légende vivante algérienne. Tous se sont délectés fiévreusement des mots, des notes, de la musique et des poèmes qu'Aït Menguellet chantait avec tendresse. «Thanammirth Lounis» Ceux qui ne pouvaient en saisir le sens en devinaient aisément la beauté, la sincérité et la profondeur. Lounis chante son amour pour la Kabylie, et l'amour tout court. Il sera d'ailleurs accompagné dans sa prestation de ses deux fils, choisissant d'alterner entre douces ballades et chansons rythmées afin de ne pas rater l'occasion de festoyer avec le public. Ce dernier, qui semblait hésiter au début (il est vrai que suite à la raréfaction de ce genre d'événements, on perd forcément l'habitude), se laissera aller peu à peu à la danse et sera emporté par les rythmes chatoyants que la bande à Lounis ne cessait d'animer. Il fallait bien répondre à cette délicieuse provocation et ce n'est certainement pas l'âge qui allait décourager certaines grands-mères à reproduire magnifiquement le déhanché électrique kabyle. C'est ainsi que le public s'est laissé aller sous le regard tendre et amusé d'Aït Menguellet. Notons enfin que l'un des moments forts de cette prestation sera sans nul doute la lecture d'un poème faite par Lounis sous les airs doux de flûte de son fils Djaâfar. Un pur moment de bonheur. Après deux heures d'un spectacle anthologique, le «sage poète» quittera humblement la scène, laissant le public scander : «Imazighen ! Imazighen !» Face à sa fameuse Feuille blanche, notre poète ne manquera certainement pas, prochainement, d'inspiration.