universitaire et chercheur, expert dans les problématiques de la communication, Mohamed Bensalah vient de publier Le cinéma en Méditerranée, essai de synthèses sur les interactions culturelles dans une région du monde placée sous la conjonction de civilisations qui se sont affrontées avant de se confronter par le dialogue. Mohamed Bensalah évoque à cet égard une double récurrence d'« un Orient imaginaire et d'un Occident fantasmé ». En s'attachant ainsi au cinéma, Mohamed Bensalah retourne en fait à sa matière première, puisqu'il est cinéaste de formation. Il avait été l'un des premiers étudiants algériens à avoir poursuivi des études à l'Institut supérieur des arts de diffusion de Bruxelles. Dans le contexte de sa formation, il avait réalisé deux courts métrages, Errance et Lazem. Lazem qui pouvaient faire figure de manifestes dans lesquels Mohamed Bensalah déclinait son esthétique du cinéma et du monde. Le jeune cinéaste frais émoulu de Belgique s'installe en Algérie au début des années 1970 et exerce à la Radio télévision algérienne, la RTA. C'est une expérience âpre, car c'était le temps de la pensée unique et la télévision, idéologisée par excellence, n'acceptait pas les mots et les images iconoclastes. Mohamed Bensalah devra attendre de longues années pour pouvoir réaliser Les uns et les autres, mais le cœur n'y est plus, car les difficultés sont immenses pour un cinéaste en Algérie. Mohamed Bensalah se tourne vers l'enseignement et travaille à fond sur les enjeux sociologiques et politiques des expressions culturelles. Dans les années 1990, sa réflexion se concentre plus spécifiquement sur les stratégies intellectuelles de la communication en Algérie et surtout le pourtour du bassin méditerranéen. L'ouvrage qu'il consacre donc au cinéma en Méditerranée rejoint pleinement et approfondit la réflexion engagée par Mohamed Bensalah sur un média, le cinéma, qui est, du point de vue développé par l'auteur, un facteur de cohérence et de rapprochement des cultures. L'objectif que s'assigne l'auteur est d'une grande ambition au regard de l'étendue des champs explorés, car on ne peut parler du cinéma en Méditerranée qu'au pluriel. Mohamed Bensalah décline, dans cet ouvrage, ce qu'il définit comme le cinéma des cinéastes avec toute la charge émotionnelle qui s'attache à des œuvres d'essence populaire. Dans quel mesure peut-on parler d'un cinéma méditerranéen et indivisible ? C'est la question que pose le livre de Mohamed Bensalah qui s'appuie sur le postulat que les Méditerranéens sont les derniers à s'interesser à leur espace commun et cela conduit à ces fractures institutionnelles qui se heurtent à l'établissement d'une communauté d'intérêt pour le cinéma en Méditerranée. L'ouvrage de Mohamed Bensalah, tout en interrogeant ce hiatus - les pays de la Méditerranée ont les moyens d'impulser des politiques de travail partagé - souligne la nécessité d'établir les passerelles utiles à l'expression du cinéma en Méditerranée. L'auteur s'appuie sur les argumentaires de l'histoire, notamment pour établir que l'espace méditerranéen ne peut pas faire l'économie d'un débat qui précédera forcément les avancées et les décisions politiques. L'ouvrage de Mohamed Bensalah se place dans toute la complexité des rapports induits par la mondialisation, dont la finalité pourrait être aussi celle de contrecarrer la constitution de grands ensembles régionaux imposés par la proximité géographique ou les affinités culturelles. C'est un livre qui ouvre sur des questions essentielles pour le cinéma et les moyens audiovisuels qui ont le devoir d'exister avant d'envisager une dimension méditerranéenne. C'est, entre autres, des messages forts, celui que le lecteur peut déduire du livre de Mohamed Bensalah. Le cinéma en Méditerranée, Mohamed Bensalah, éditions Edisud, 120 pages.