Mohamed Sari, que nous avons souvent croisé dans certaines localités côtières de la wilaya de Tipasa, arrive à se transformer en un homme «invisible» au milieu des marées humaines qui convergent vers le littoral pour se rafraîchir en cette période ramadhanesque et estivale à la fois. L'auteur, à l'affût des rythmes du pouls de la société, veut être le témoin privilégié de son temps. Pour cette période de grande chaleur, l'auteur de plusieurs romans s'est reconverti en un nouvelliste pour proposer un coffret de neuf récits véridiques qu'il a enrobés dans des zestes de fiction, juste pour transporter ses lecteurs dans la détente, sans être malmenés par la hausse du mercure où le jeûne durant ces interminables journées du mois d'août. Le naufrage, le titre attribué à ce livre paru aux éditions Alpha au mois de juin 2010 est très soft dans sa lecture. Mohamed Sari plonge ses lecteurs dans des histoires tragiques parfois, en enrichissant ses textes par une variété de mots et de phrases dans la description des personnages et lieux. «J'ai toujours baigné dans le milieu de la bande du littoral algérien, nous dit-il, ce qui explique ma tendance vers les couleurs de ces magnifiques paysages naturels dans ma réflexion et ma production littéraire dans ce livre». Au crépuscule de la saison estivale, Mohamed Sari qui a répondu à de nombreuses invitations des cercles culturels des pays étrangers n'hésite pas à s'engager dans des débats en arabe et en français des fois houleux, pour afficher son indépendance intellectuelle, sa franchise et son attachement à sa patrie, l'Algérie et sa culture au pluriel. L'auteur n'a pas changé sa méthode dans l'écriture de ses romans. «C'est cela qui fait que je mets beaucoup de temps pour passer d'un roman à autre», nous dit-il. Sari Mohamed se jette d'abord dans l'écriture d'une histoire qui constitue le 1er jet de son aventure littéraire. L'important pour lui, au départ, c'est l'écriture de l'histoire avec l'entrée des personnages. Il abandonne cette œuvre en herbe pendant des semaines avant de revenir à la charge pour relire le texte, afin de pouvoir travailler l'histoire, tout en apportant des correctifs et en ajoutant «des ingrédients». L'ultime phase pour la production de son livre consiste à travailler le style de l'histoire, les phrases, la description des personnages, parfois en rajoutant des mots et verbes pour rendre l'histoire plus accrochante. Mohamed Sari, qui se met à la place de son lecteur, constate que certaines de ses histoires comportent des faits «lourds» pour ce dernier, il ne s'empêche pas d'alléger ses textes en supprimant des détails, juste pour faciliter le «voyage sur un tapis» à son lecteur. «Mon souci majeur, nous dit-il, demeure ma volonté délibérée de susciter de l'imagination auprès de mes lecteurs à travers la lecture de mes romans», enchaîne-t-il. Pour ne pas nous laisser sur notre faim avant de nous quitter, Mohamed Sari nous balance le titre de son nouveau roman dont la sortie chez Barzakh est programmée pour le mois d'octobre prochain. «C'est un roman qui est inspiré des vérités algériennes, bien entendu à travers des noms fictifs des personnages», indique-t-il. Mohamed Sari, qui ne dévie pas de sa trajectoire dans ses œuvres littéraires, veut être l'un des témoins des deux décennies post-indépendance de l'Algérie. «Il y a des dates marquantes qui m'interpellent, telle que 1978, qui désigne la mort de notre président Houari Boumediène, un homme qui incarnait le socialisme de son vivant à mes yeux et simultanément l'arrivée de l'ayatollah Khomeiny au pouvoir en Iran», dit-il. L'auteur met l'accent sur la montée de l'islamisme sous une forme violente à partir des années 80 en Algérie. Cette période particulière a fait perdre les repères à la jeunesse algérienne vis-à-vis de sa société et de l'idéologie socialiste, avant qu'elle ne soit entraînée par la montée de cet Islam étranger aux traditions algériennes. «J'ai relaté ces histoires avec un ton satirique, explique Sari Mohamed, car l'appropriation de cet Islam en Algérie qui n'est pas raisonné se confinait beaucoup plus dans les imitations vestimentaires et la barbe». L'auteur de Pluies d'or relate également le récit de l'un des combattants de la guerre de Libération nationale, qui dès son retour du maquis en 1962, s'est accaparé d'une maison. Il commence, dans sa maison, à raconter ses hauts faits d'armes durant la Révolution. «Je voulais parler du dévoiement de l'Histoire de notre pays par ces hommes-là qui l'ont faite, précise-t-il, chacun d'eux se donnait un rôle, je ne peux pas vous en dire plus, car la chute de mon roman de 300 pages environ sur les manifestations d'Octobre 1988, la montée de cet Islam et de l'intégrisme, j'ai même relaté l'histoire des lasers au-dessus du stade du 5 Juillet, ajoute-t-il, j'ai réalisé ce roman d'une manière romanesque, vous y trouverez des dialogues dans ces moments bien romancés», conclut-il. Dans sa main, un sachet rempli de figues noires cueillies dans son jardin, Sari Mohamed nous quitte. Il préfère aller à la rencontre de la nature, de ses couleurs, de ses silences brisés par les chants des cigales et des oiseaux pour s'inspirer d'une autre imagination, une autre fiction, car il vient déjà de mémoriser des histoires tirées à partir de faits réels.