Près d'un millier de containers sont en souffrance au port d'Alger, alors que la rade n'arrive toujours pas à être désengorgéeUne situation inquiétante et face à laquelle les autorités semblent impuissantes en dépit des mesures d'urgence prises récemment. Les autorités portuaires n'arrivent plus à assainir la situation inquiétante qui pèse sur le port d'Alger, et ce, depuis des mois. Ainsi, quelques milliers de containers sont actuellement en souffrance dans cette enceinte par où transitent près de 70% du commerce extérieur. Selon des sources portuaires, il existe actuellement près de 400 containers identifiés ayant dépassé le délai réglementaire de 2 mois et 21 jours, et 600 autres dont les propriétaires ne se sont pas manifestés, engendrant ainsi une saturation des quais avec, pour conséquence, un ralentissement important dans le déchargement des navires et, de ce fait, l'encombrement de la rade. Ce constat dure depuis le début de l'année et chacune des parties concernées par l'activité portuaire renvoie la balle à l'autre. Il y a une semaine, c'est le secrétaire général de la wilaya d'Alger, Oulad Salah Zitouni, qui interpellait par écrit le directeur régional des Douanes d'Alger sur la situation. Il fait état de «marchandises en souffrance entreposées au terminal à containers de la Concession DP World, ayant dépassé le délai de 2 mois et 21 jours, à la date du 10 juin 2010, entre produits périssables et autres, totalisant 89 370 tonnes». Ajoutant : «Aussi, il a été constaté un container entreposé à découvert, endommagé contenant une marchandise composée de paquets de lait en liquide dont la date de péremption est arrivée à terme depuis le 23 novembre 2009. Une situation confirmée par les services du commerce (…) qui m'ont signalé que l'opérateur a introduit une demande de destruction auprès de vos services et aucune décision n'a été prise à ce sujet.» Pour les services des Douanes, cette situation ne leur incombe pas. «La destruction des produits avariés relève de la commission d'avarie qui doit être convoquée par l'entreprise portuaire. Or, cela n'a pas été fait, à ce jour, pour plusieurs raisons», explique une source douanière. Les autres containers en souffrance sont, pour notre interlocuteur, la conséquence de «la complexité de la procédure de contrôle aux frontières et des lenteurs dans le chargement et le déchargement, mais également de la procédure douanière compliquée». Cependant, il reconnaît que près d'un millier de containers sont actuellement en souffrance au port, engendrant une saturation au niveau des terre-pleins. «Plusieurs facteurs se sont greffés pour compliquer davantage la situation. Il y a les lenteurs dans la gestion des containers par DP World du fait du manque de moyens. Des mesures sont en train d'être prises pour y remédier dans les plus brefs délais», déclare notre interlocuteur. Contactés, des responsables de la DP World reconnaissent eux aussi les lenteurs dans le traitement des containers qu'ils imputent au conflit qui les a opposés aux travailleurs durant deux mois. «Le préjudice causé par le faible rendement durant la période de crise avec les dockers est à l'origine du retard dans le traitement des containers, qui occupent actuellement 65% de l'espace du terminal», explique un des cadres de DP World. Pour lui, le nombre important de containers en souffrance est plutôt du côté de l'espace géré par l'Epal (Entreprise portuaire d'Alger). «Faux», déclare un des responsables de cette entreprise. Selon lui, la situation actuelle est le résultat de la gestion des containers par DP World, qui semble «dépassée» par la demande, en plus du fait qu'elle «ne connaît pas» la réglementation du pays. «C'est à cette société d'évacuer les containers ayant dépassé les 2 mois et 21 jours vers les entrepôts publics tel que prévu par la réglementation en vigueur et qui sont en partie à l'origine de la saturation du port», déclare notre source. Celle-ci annonce qu'une réunion est prévue incessamment entre les responsables de l'Epal, de DP World, du commerce et des Douanes, pour poser le problème et trouver des solutions définitives à cette situation. «Il y a le problème de la destruction de la marchandise périmée ou en souffrance depuis des mois, voire des années au port. Il existe une nouvelle réglementation qui prévoit une commission dans laquelle tous les intervenants au port sont représentés, ès qualités et non plus au titre de personnes comme c'était le cas avant. La commission est prête, il reste uniquement à désigner les représentants de la Sûreté nationale et de la Protection civile, pour commencer à traiter les dossiers en instance», souligne le responsable. Entre les avis des uns et des autres, il est important de préciser que cette situation de crise perdure depuis le début de l'année en cours. En effet, le 27 janvier dernier, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait saisi par écrit le ministre des Transports, Amar Tou, lui demandant des explications à propos de l'encombrement de la rade d'Alger. La réponse a été un rapport de 4 pages qui confirme la saturation des postes à quai et des terre-pleins. «La faiblesse des enlèvements par les usagers est la source de la saturation des espaces d'entreposage, entraînant un important séjour à quai des navires (8 jours en moyenne) d'où un phénomène de file d'attente en rade (…)» Le ministre, se référant au propos des responsables de DP World, le séjour moyen d'un container est passé de 19 jours en novembre à près de 28 jours en décembre et 30 jours en janvier. Les raisons citées sont, entre autres, les procédures assez lentes de traitement de la marchandise par les services des Douanes et du commerce, mais également le fait que les transitaires ne travaillent pas les week-ends et la nuit. Le ministre s'est engagé à prendre les mesures nécessaires. Au même moment, l'Union nationale des transitaires et commissionnaires en douane a dénoncé les lenteurs en matière de gestion du terminal à containers par DP World. Le 4 février dernier, le Premier ministre instruit par écrit les ministres des Finances, du Commerce et des Transports d'ordonner à la direction générale des Douanes de mobiliser davantage son personnel de diligenter l'enlèvement de la marchandise, de veiller à ce que les brigades de contrôle du commerce travaillent 24 heures sur 24 ainsi que durant les week-ends, et de mettre en demeure les transitaires pour assumer leur mission au même rythme. Quelque temps plus tard, la situation n'a pas changé d'un iota. Elle s'est aggravée avec la situation de paralysie qu'a connue le terminal à containers de DP World. En dépit de la fin de crise, il y a un mois, après la signature d'un accord avec les travailleurs, la gestion du port reste toujours controversée et le constat inquiétant.