Au-delà de son impact sur la facture alimentaire qui a dépassé le cap des 8 milliards de dollars en une seule année et la tension qu'elle a fait planer sur l'économie nationale, la crise mondiale de 2007/2008 a incité à une reconfiguration profonde de l'agriculture algérienne. Une nouvelle politique sectorielle se met alors en mouvement avec comme objectif principal la sécurité alimentaire et la réduction de la forte dépendance des importations, et ce, à travers le renforcement accentué des capacités de production au niveau local. Parallèlement aux multiples mesures ayant été prises pour concrétiser ces objectifs, le débat sur la régulation du marché des produits agricoles est omniprésent avec comme corollaire la maîtrise de l'offre et la demande, la stabilisation des prix, l'éradication de la spéculation et, à long terme, l'amélioration de la qualité du produit local. Etant un paramètre incontournable de la chaîne, la régulation du marché est appréhendée comme un pari à gagner. Du coup, une batterie de mesures est mise en branle, principalement dans le secteur de l'agriculture. Mais, assurément, la mobilisation de ce secteur, à lui seul, ne suffit pas pour parvenir à un marché de produits agricoles régulé en amont et en aval, car l'objectif tracé en la matière requiert une mobilisation intersectorielle et à tous les niveaux (national, régional et local). A présent, des mutations en profondeur s'opèrent dans le secteur de l'agriculture avec la mise en œuvre de nouvelles stratégies de développement pour l'ensemble des filières stratégiques (céréales, viandes, lait, pomme de terre, entre autres) et il appartient désormais aux autres secteurs intervenant dans la chaîne de s'y mettre, comme le commerce, les services relevant du secteur des finances ou les collectivités locales. Au niveau de la production, nul n'ignore les multiples réformes mises en œuvre depuis 2008 avec l'avènement de la politique du renouveau agricole et rural, suivie de la promulgation de la loi portant orientation agricole. Depuis, le processus ne cesse de s'élargir avec notamment la mise en œuvre des contrats de performance et la réforme du barème des subventions allouées aux acteurs intervenant dans le secteur. D'autres actions ont été également menées dans la perspective d'inciter les producteurs et d'intensifier davantage la production, à travers notamment l'effacement des dettes des agriculteurs et le dispositif des crédits de campagne sans intérêts (Rfig). Laquelle démarche qui, d'ailleurs, s'est traduite par des résultats non négligeables sur le plan de la production dans sa dimension quantitative. L'abondance qu'enregistrent certains produits, notamment la pomme de terre, a incité les pouvoir publics à mettre en place le Système de régulation des produits de large consommation (Syrpalac) depuis 2008 qui sert de paravent pour protéger les revenus des agriculteurs contre tout éventuel crash des prix. L'année dernière, un scénario quasi-similaire a été observé avec les céréales, dont la production a atteint le record des 61,5 millions de quintaux produits. Régulation horizontale et verticale Cette saison, c'est la tomate qui défraie la chronique avec un niveau de production de 7 millions de quintaux, alors que l'année d'avant, ce volume a été de 3, 8 millions de quintaux, et la pomme de terre dont les prévisions tablent sur 30 millions de quintaux à la fin de l'année en cours. Le processus ne fait que commencer et les efforts tendent à se concentrer sur la réforme en aval, à savoir la régulation de l'étape comprenant la commercialisation des produits agricoles. C'est dans cette perspective que le ministère de tutelle a prôné l'organisation interprofessionnelle qui implique bien évidemment les différents secteurs intervenant dans le processus. Dans ce cadre, il a été opté pour la création des offices interprofessionnels pour le lait, les légumes, les viandes et le renforcement des prérogatives de l'office interprofessionnel des céréales dont la création remonte aux années 1970. La modernisation de la chaîne de distribution et de stockage n'est pas en reste, avec de nouveaux projets pour le renforcement des capacités de stockage frigorifiques et la réalisation d'abattoirs modernes pour 20 milliards de dinars, d'autres projets pour le renforcement des capacités de stockage de l'OAIC pour une valeur de plus de 30 milliards de dinars. Dès à présent, la réforme doit être menée en aval de la production avec l'instauration d'une véritable organisation des marchés, gros et détail, la définition du rôle des mandataires et de tous les intermédiaires composant le circuit commercial. Il faut reconnaître que le travail est de longue haleine, le constat étant à la limite de la catastrophe avec des marchés de gros où l'informel règne en maître des lieux et de solides réseaux spéculateurs qui ont la puissance de provoquer des pénuries ou l'effondrement des prix comme il leur sied. En tout cas, la volonté de réformer le secteur commercial, manifestée au sommet de l'Etat, doit avoir son prolongement à la base en mobilisant les instances locales. Il y a eu certes des conseils interministériels, la promulgation de nouvelles lois mais tous ces efforts sont frappés de nullité sans la mobilisation au niveau local et pour ce faire, l'intervention des services agricoles, des directions du commerce, du fisc des services de douanes ou des services communaux est impérative. En conséquence, la régulation du marché des produits agricoles nécessite une mobilisation horizontale et verticale. Horizontale en impliquant des secteurs autres que l'agriculture et verticale en s'étendant du sommet de l'Etat jusqu'aux structures locales.