Taquiner l'oublade, le sargot, le mérou ou la murène est devenu en ce mois de Ramadhan un hobby très prisé par les Oranais. A la ligne, au fixe, au moulinet ou au touret, peu importe la technique pourvu qu'il y ait du plaisir. La pêche est perçue par ses amateurs comme un loisir, un simple moyen pour passer le temps avant la rupture du jeûne et surtout comme une véritable passion. La pêche à la ligne qui était réservée aux seuls habitants des localités balnéaires est devenue l'espace du Ramadhan, une fièvre qui s'est emparée de tous. On pêche à l'hameçon pour dire qu'on est branché, on se refile des astuces pour ferrer le poisson à la première touche pour affirmer son savoir-faire et on décline toute la panoplie des appâts pour montrer qu'on est fin connaisseur. Un jeune mordu du quartier populaire Les Planteurs trouve en la pêche un moyen de chasser le stress, une façon de faire le vide dans sa tête, le regard rivé aux trépidations du bouchon flottant à la surface de l'eau. Quelques heures avant le f'tour et même après, les amateurs se donnent rendez-vous devant la vitrine du magasin qui vend les articles de pêche à Sidi El Houari. Dans ces moments de retrouvailles entre spécialistes, on ne parle pas de h'rira, maâquoda ou bourek, mais plutôt de crins de pêche, de bouchons flotteurs, des numéros des hameçons, de l'état de la mer, de la direction et de la force du vent, autant de paramètres augurant d'une belle prise. Engoncés dans des vêtements chauds pour résister à la caresse de la brise marine, les pêcheurs se dirigent vers leur habituel coin qu'ils ont marqué à force d'habitude ou par superstition. Le Vieux port, la Jetée, Cueva de agua, Kristel et les petites criques d'Arzew sont les lieux de prédilection des amateurs de la pêche à la ligne. Ils se sont forgés cette réputation avec le temps. Les amateurs les ont adoptés depuis des générations. Plusieurs pêcheurs trouvent en ces moments de distraction, le moyen d'oublier la ville, ses bruits, sa cohue et ses odeurs. Juchés sur des rochers, surveillant le mouvement des vagues qui viennent se briser à leurs pieds, ils forment avec la baie un tableau idyllique que peuvent contempler les marins à partir des ponts des bateaux qui filent vers l'horizon. Bonne ou mauvaise, la pêche est un moment de méditation qui permet à l'esprit de quitter l'enveloppe charnelle pour voguer au loin. Rentrer bredouille n'est pas un drame et exhiber le poisson frais pêché est un motif de fierté. Le fruit de la pêche est partagé généralement avec les voisins et les amis pour savourer le plaisir de déguster une chair fraîche et fine qui sent bon la mer.