Il y a presque un an, El Watan a rendu hommage à Kateb Yacine en publiant un article de Benamar Médiène dans lequel j'ai découvert mon nom. Par ces quelques lignes, j'aimerais apporter mon humble témoignage de moments passés en compagnie de Kateb Yacine. Kateb Yacine débarquait dans mon bistrot seul ou en compagnie de M'hamed Issiakhem, quand celui-ci était en soins à Paris. Il avait une grande générosité d'écoute et aimait aussi conter en buvant un verre. L'une de ses rares joies temporelles était les huîtres que nous nous faisions livrer et que nous dégustions avec avidité. Soirées intimes, improvisées. Lors de l'une de nos évasions dans Paris en compagnie de son fils, il choisit la cuisine asiatique. Décision sans appel alors que je connaissais dans le coin un restaurant proposant d'excellents couscous. Je compris alors que le couscous n'était pas sa tasse de thé ! Quand la présence de Kateb Yacine chez moi a été éventée, des « apparitions » ont commencé à se manifester, puis ont tenté d'accaparer le lieu, jusqu'après sa mort. Comment préserver cette ambiance ordinaire et feutrée qu'il affectionnait jusqu'au bout de la nuit et dans laquelle il se retrouvait ? Sa discrétion et ses coups de gueule imprévisibles étaient ses remparts aux tentatives d'intrusion dans sa vie. Souvenirs de ce passé de vingt ans... Je jalouse la mémoire phénoménale de Benamar Médiène qui, avec précisions extrêmes, relate chaque geste, onomatopée, l'exact instant où Kateb Yacine sort de sa poche de canadienne, « Hôlderlin », et surtout ses paroles enflammées, douloureuses, au souffle près, lors d'un lointain soir de 1985 dans ma traverse. Ma mémoire faillible, elle, a souvenir d'une nuit à cette même époque où Kateb, ses « amis » de « chambrée » sortis, m'appela de son hôtel un soir, il allait très mal. Son implacable maladie l'affligeait déjà de ses morsures et je l'accompagnai à l'hôpital, Hamou au volant. Nous l'avons confié aux bons soins d'un ami commun, médecin aux urgences de l'hôpital Bichat. Solitude Hamid Amara