Aux Chers amis, Chers confrères, et j'ai envie de dire aussi, Chers compatriotes. La passion que j'ai pour le journalisme comme institution indispensable à l'exercice de la démocratie ne m'a jamais fait céder aux compromissions que l'on nous propose de toutes parts pour des raisons commerciales, pour des raisons de civisme politique ou, simplement pour des raisons d'intimidation. C'est un combat à mener chaque jour, et je l'ai livré avec les miens dans la difficulté et l'opiniâtreté, sans être d'ailleurs certains que nous n'avons pas eu nos faiblesses et nos lâchetés. Ce texte n'est pas pour vous parler de moi, mais pour vous montrer à quel point je comprends l'étendue de vos problèmes dans un pays dont je connais l'histoire révolutionnaire et les conflits fratricides. Se demander au jour le jour si on n'injurie pas les pères fondateurs, si l'on ne complique pas la tâche des dirigeants, ou si l'on ne suscite pas la colère des intrigants, c'est une gageure. Je crois que dans l'ensemble, l'on peut dire que vous avez gagné une partie incroyablement difficile. Le verre est-il seulement à moitié vide ? Peut-être, et il reste à le remplir tout entier. Mais disons que cette moitié déjà acquise encourage la persévérance et promet la réussite. L'Algérie est le pays qui a le plus de conflits avec son histoire, que ce soit avant la colonisation, pendant, après l'indépendance, et après la guerre civile. Il n'y a rien de plus difficile à vaincre que les préjugés qui s'arriment à l'histoire. Mais l'Algérie est aussi un pays dont on sait qu'il ne peut plus refuser à des populations qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté, une partie des richesses incomparables et inutilement thésaurisée notamment dans le domaine de ses ressources en hydrocarbures. L'Algérie moderne et révolutionnaire ne peut pas laisser aux institutions religieuses le soin d'une organisation de la charité dont l'efficacité n'a d'égale qu'un prosélytisme intégriste soucieux de radicaliser le code de la famille et le statut de la femme. L'Algérie, puissance méditerranéenne ne saurait s'imposer sans trouver une solution pour faire la paix avec un pays frère à propos du Sahara. En un mot, il faut aboutir à une situation qui empêche les jeunes gens d'avoir envie de quitter leur pays et de quémander leurs visas. Je ne sais ce que pensent le directeur et les équipes d'El Watan de ces trois objectifs, mais s'ils les adoptent et qu'ils combattent pour eux, ils joueront un rôle historique pour les générations à venir. J'ai longtemps suivi le parcours du président Abdelaziz Bouteflika. C'est à lui aussi que j'adresse ce message puisque nous sommes de la même génération des combattants de la première heure. Je sais qu'il me témoigne une considération attentive, même s'il ne peut accompagner mes pensées, mes critiques et mes vœux. Mais ce n'est pas aux journalistes de s'en préoccuper. Bonne chance ! Inch' Allah !