La route est pleine de terre charriée par des années de crue qui parfois, comble de dérision, colmate les crevasses et permet une meilleure mobilité. Au train où vont les choses, Kechida, gigantesque quartier périphérique de la ville de Batna, finira par ceinturer la nouvelle ville de Hamla, située à quelques encablures. L'excroissance n'arrête pas de générer de nouveaux quartiers alors que des bâtisses de trois et quatre étages s'emboîtent les unes dans les autres, empêchant parfois le soleil de pénétrer et faisant fi de toute norme urbanistique dans une course folle à qui atteindra le plus haut niveau. Les rez-de-chaussée, eux, servent sinon aux divers commerces, à des ateliers de ferronnerie, menuiserie et autres métiers bruyants, et ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Ceci pour la qualité de vie des habitants de cette partie de la ville qui subissent à longueur de journée, sauf en cas de panne d'électricité -ce qui arrive assez souvent- une pollution sonore insoutenable. Il est vrai que les habitants que nous avons rencontrés ne se sont point plaints de cet aspect, car ils seraient plutôt préoccupés par d'autres problèmes plus importants, à commencer par celui de l'eau. «Pour recevoir l'eau, il faut veiller au-delà de minuit» nous dira M. B. qui précise: «L'eau ne coule dans nos robinets que deux fois par semaine pour une durée de 3 à 4 heures et chaque fois c'est entre minuit et 4 heures du matin !» Les raisons de ce rationnement, selon la responsable de l'unité exploitation de l'ADE, relèvent de la vétusté du réseau et de l'insuffisance de pression. L'eau alimentant Kechida provient de forages, d'où la nécessité de temporiser pour permettre le remplissage du château, a-t-elle ajouté. La connexion du réseau au barrage est, selon la même responsable, au stade de projet dont l'étude, prise en charge par un bureau français (SAFEGE), a été finalisée et attend le feu vert des responsables centraux. Dans le prolongement de Kechida, une nouvelle cité a vu le jour: Qariate El Hommos (village des pois chiches), érigée, raconte-t-on, par ceux qui ont fui leurs villages durant la décennie noire. Les gens qui y habitent sont considérés comme des intouchables et seraient craints par le reste de la population. Est-ce cela qui justifie l'état de la route ? Cette route, très fréquentée, est empruntée pour joindre la nouvelle ville où se trouve la cité universitaire, les nouveaux quartiers, ainsi que le village de Hamla. Voilà presque 10 années que cette voie est dans cet état, nous dirons des riverains rencontrés sur place. Et dans quel état ?! Pleine de terre charriée par des années de crue qui parfois, comble de dérision, colmate les crevasses et permet une meilleure mobilité; à croire que la nature abhorre le laisser-aller des autorités. Les pannes d'électricité sont dans ces lieux très courantes et n'arrêtent pas de perturber les activités qui y grouillent comme celles des boulangeries, ferronneries et autres commerces de gros. «Les coupures de courant durent parfois toute la journée, parfois toute la nuit», nous dit Lakhdar, sans s'arrêter de manipuler sa perceuse de peur d'être surpris par une nouvelle coupure. L'autre problème dont se plaignent les riverains et qui n'est pas des moindres est celui de la sécurité. «Nos filles sont continuellement agressées sur le chemin de l'école et nous sommes contraints de les accompagner», nous affirme le même interlocuteur. Voilà comment naissent les favelas du futur. Il suffit d'oublier ces cités qui naissent, pourtant au vu et au su des autorités, et se laissent vivre à leur guise. Un plan d'urgence est plus que nécessaire pour tirer ces ensembles du destin de ghettoïsation favorable à tous les maux sociaux.