Au bilan positif du gouvernement, viendra s'opposer un contre-bilan qui s'appuie sur les réalités du vécu des Algériens et qui contraste avec le satisfecit de l'Exécutif. Que va dire Ouyahia, aujourd'hui, devant les députés à l'occasion de la présentation de la déclaration de politique générale du gouvernement qui ne soit déjà connu et largement commenté à travers les longs communiqués de la présidence de la République rendus publics dans le cadre du cycle des auditions de ministres par le Président durant le mois de Ramadhan et les semaines qui suivirent ? Au plan des chiffres et des réalisations au niveau sectoriel, l'exercice, pour le Premier ministre, sera d'autant plus facile qu'il sera amené à faire du «copier-coller». Car on voit mal le gouvernement prendre la liberté de dresser un autre état des lieux du pays dans les différents domaines que celui balisé par la présidence de la République, où tous les voyants sont au vert dans une conjoncture où, paradoxalement, la contestation sociale ne fait que croître. Le pouvoir d'achat qui s'érode de façon inquiétante, la crise du logement, le chômage, la malvie, les écoles surchargées, les structures de santé transformées en mouroirs, etc. Que vaut un bilan de gouvernement, aussi positif soit-il, s'il n'a pas des retombées favorables sur le vécu des citoyens, s'il ne participe pas à l'amélioration de leurs conditions de vie ? Hier encore, devant l'APN, le gouverneur de la Banque d'Algérie, M. Laksaci, a bombardé les députés de statistiques à faire pâlir d'envie des pays développés qui peinent, dans cette conjoncture difficile de crise mondiale, à amorcer le processus de retour de la croissance. Tant et si bien que le moindre frémissement des agrégats économiques provoque une soudain emballement des valeurs et des grandes places boursières. On apprend ainsi, de la part du gouverneur de la Banque d'Algérie, que les secteurs hors hydrocarbures ont enregistré, durant l'exercice 2009, une croissance de 9,3% du PIB. Le secteur du bâtiment et des travaux publics a fait un bond de 8,7%, celui de l'agriculture de 20%, les services de 8,7%, tandis que le taux de chômage est évalué à 10,2%. Le citoyen, qui n'a pas d'autres instruments d'évaluation de la santé économique, sociale et culturelle du pays que les réalités qu'il vit au quotidien, lesquelles n'incitent pas au même optimisme, ne peut légitimement accueillir qu'avec une moue dubitative ces chiffres qui ne se ressentent pas dans la fiche de paie des travailleurs, dans le panier de la ménagère, dans les écarts encore grandissants existant entre les besoins sociaux exprimés et les réalisations enregistrées dans les différents secteurs. Le gouverneur a fourni aux députés une explication économique à ce phénomène de la croissance en constante augmentation brandie dans les bilans officiels comme un trophée de guerre lorsque beaucoup les comparent à une Arlésienne : la non-maîtrise de la spirale de l'inflation. Celle-ci a atteint, durant l'année écoulée, un taux record de 5,7% jamais atteint depuis une décennie au moment où, au contraire, dans d'autres pays, on observe un processus déflationniste. L'économie algérienne ne serait-elle donc qu'un vulgaire tonneau des Danaïdes ? Les chiffres du gouverneur de la Banque d'Algérie ne laissent planer aucun doute face à ce constat. A quelle aune faudra-t-il alors apprécier le bilan du gouvernement ? L'analyse la plus objective et la plus impartiale commande-t-elle de voir la bouteille à moitié pleine ou, au contraire, à moitié vide ? Les statistiques, surtout dans les pays en développement à la gestion centralisée, sont toujours objet de controverses. Les députés, qui auront à débattre du document portant déclaration de politique générale du gouvernement qui dresse le bilan de l'année écoulée et trace les perspectives pour les 5 prochaines années, ne sont pas mieux outillés et lotis pour vérifier, recouper, valider les chiffres que leur fournira M. Ouyahia et sur lesquels ils seront appelés à se prononcer. Il leur restera le débat général pour demander des éclaircissements sur les chiffres, sur les politiques sectorielles de développement, sur les préoccupations les plus diverses des citoyens. Sur l'envers du décor. Au bilan positif du gouvernement, les députés – surtout si le débat est télévisé – seront amenés immanquablement à opposer un contre-bilan en s'appuyant non pas sur les statistiques, mais sur les réalités locales et nationales qui contrastent souvent avec les satisfecit de l'Exécutif. Même les députés de la majorité ne se priveront pas, lors de cette récréation générale, de se joindre à ce jeu de quilles aux côtés des députés de l'opposition.