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FLN (encore) un coup d'Etat annoncé
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Publié dans El Watan le 22 - 10 - 2010

Plus d'une dizaine de blessés lors d'affrontements, ces deux dernières semaines, entre militants FLN : rien ne va plus dans le vieux parti, menacé en plus d'un nouveau «redressement». Lutte de clans ou de groupes d'intérêt économiques, conflit de générations ou simplement début de campagne pour les prochains rendez-vous électoraux. Chacun y va de sa version. El Watan Week-end a enquêté.
«Il est devenu coutume qu'à l'approche des échéances électorales, les mouhafadhas du FLN deviennent une arène de combats entre militants», commente un sénateur FLN. Depuis quelques semaines, l'ex-parti unique est secoué par une grave crise, où lors d'affrontements entre militants on a fait usage d'armes blanches et de gaz lacrymogènes ainsi que la mobilisation de certains «gangs» de quartier dans la bataille transportés par des bus appartenant aux communes. Le ministère de l'Intérieur compte ouvrir une enquête concernant l'utilisation des moyens de l'Etat par des élus FLN à des fins partisanes.
Un sénateur, en l'occurrence Zitouni, aurait, selon des militants à Annaba, sorti son arme automatique afin de disperser la foule lors d'une attaque contre la mouhafadha. Les militants n'écartent pas l'éventualité de le poursuivre en justice individuellement. A travers les wilayas, le bilan est d'une dizaine de blessés. La raison évoquée jusqu'à présent est l'ultimatum adressé par le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, aux mouhafadhas des 48 wilayas afin de renouveler les instances locales du parti avant le 31 octobre. Et aussi, l'immixtion à peine voilée de la centrale dans les affaires des mouhafadhas, selon des députés FLN. Les militants reprochent aux superviseurs désignés par Belkhadem leur connivence avec les mouhafedhs. Pis encore, la déclaration surprenante de Belkhadem, qui appelle ses supporteurs à «couper la tête aux perturbateurs», a été qualifiée par El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, d'«irresponsable» et comme étant aussi à l'origine même des violences entre militants.
Conflit de générations
Abdelaziz Belkhadem avait appelé les instances dirigeantes de son parti au rajeunissement des rangs et au renforcement de la présence des femmes au sein du parti. «Cet appel a été bien reçu par les jeunes qui se sont alors livrés à un combat ardu avec les vieux ténors du parti», explique un jeune militant FLN de la kasma de Bourouba à l'est d'Alger, tout en déplorant l'insistance de certains «vieux» à «rester collés à leur siège». Le mouhafedh d'une wilaya du centre du pays, que nous avons joint par téléphone, explique : «Vous ne pouvez pas permettre à un jeune de prendre les rênes du parti. Nous n'avons pas la même perception des choses et ces jeunes, notamment les plus instruits, veulent apporter une vision nouvelle qui risque d'influer sur l'idéologie même de notre parti. Ce sera l'acte de décès du FLN.»
La jeune génération ferait-elle si peur aux décideurs du FLN ? «Oui, il s'agit d'un vieux débat au sein du parti. La jeune génération a d'autres préoccupations que celles prônées par l'ancienne, où la révolution et le nationalisme exacerbés sont la matrice et la légitimé sur lesquelles se basent les instances actuelles du parti, alors que les jeunes tentent de ramener le FLN au peuple pour s'occuper des problèmes de la population», explique un ex-ministre issu du FLN.
La ruée vers la fortune
Si le conflit de générations fait rage au sein du FLN, celui des hommes d'affaires et autres commerçants, quant à lui, n'est pas en reste. «Le FLN est un canal par lequel des fortunés deviennent maires, députés ou sénateurs. Cela leur procure immunité et autres privilèges. Il ne faut pas s'étonner lorsque vous voyez des hommes d'affaires s'immiscer dans les affaires des mouhafadhas. Personnellement, j'ai eu affaire à de nombreuses personnes qui m'avaient proposé de l'argent pour atteindre l'hémicycle de Zigout Youcef», confie un ex-mouhafedh de l'est du pays.
Dans certaines wilayas, où le business est florissant, des hommes d'affaires n'hésitent pas «à utiliser tous les moyens possibles pour se déstabiliser entre eux, la corruption des dirigeants locaux devient ainsi l'ultime recours, quant à d'autres, les recommandations proviennent en leur faveur de la centrale, chose que je ne pouvais plus accepter», révèle un ancien responsable du FLN. Cet état de fait n'est pas sans conséquences sur la gestion des collectivités locales. Des députés FLN n'écartent pas la possibilité de voter contre le projet du nouveau code communal, actuellement en débat.
«En mettant le P/APC sous la coupe du wali, ce poste ne devient plus attractif pour certains et le FLN sera le premier perdant dans cette nouvelle donne», avertit un député FLN. Pourquoi ? Tout simplement, selon un proche du parti, «certains commerçants, qui voulaient devenir maires pour s'occuper de la dilapidation des deniers publics et de la distribution des projets locaux, ne veulent ce poste que comme tremplin pour être élus ensuite sénateur. Et bien sûr, à ce niveau, il n'y a pas de place pour tout le monde», poursuit l'ancien mouhafedh.
Fossé entre le haut et le bas
L'autre raison de tant d'ébullition réside dans la redistribution des rôles et des postes de responsabilité. «Ce sont toujours les mêmes qui dirigent et qui se succèdent. Nous, les militants de base, notre seule activité est de coller les affiches et faire le ‘berrah' pendant les campagnes électorales… et bien sûr verser les cotisations en début d'année», tonne un militant d'Alger. Lors du renouvellement des instances locales, certains mouhafedhs ont utilisé un subterfuge devant les candidats, à savoir le non-renouvellement des cartes d'adhérent et le non-paiement des cotisations. «Alors que la plupart des vieux militants n'ont jamais payé un centime, ils se voient tout de même reconduits et maintenus, ils exercent un diktat absolu sur les affaires et du parti et des communes», poursuit notre interlocuteur.
Les retombées se font ainsi ressentir sur le fonctionnement même du vieux parti, reflétant le fossé qui existe déjà entre gouvernants et gouvernés. Pour preuve que la courroie de transmission est cassée entre le FLN d'en haut et le FLN d'en bas : «Toutes ces caravanes (délégations de militants locaux en bus), envahissent le siège national à Hydra, car les canaux de communication n'existent pas entre la base et la centrale, les mouhafedhs sont maîtres des lieux.»
Dégradation des mœurs
Ulcérés par les scènes de confrontation violente entre militants et décideurs locaux, des députés et des membres du gouvernement n'excluent pas, selon El Khabar de samedi dernier, le recours à un nouveau redressement, un remake de celui de 2004, conduit par Belkhadem contre Benflis.L'appel, qui sera lancé prochainement, et qui se reposerait sur une charte de 40 articles, aura pour but, selon ses initiateurs, de mettre de l'ordre et mettre fin à «la dégradation des mœurs au sein du parti».
Des retraits de confiance en chaîne
Le conflit risque de s'étendre en cas de persistance aux assemblées locales : «Certains clans écartés des récents votes de renouvellement des instances menacent les maires proches des clans rivaux de retrait de confiance dans les prochains jours en représailles à ce qui se passe en ce moment», avertit un député FLN de Djelfa. Selon lui, les derniers événements «ne sont en réalité que le résultat d'un ras-le-bol généralisé qui a mené à des tractations, d'où le déclenchement de ce vaste mouvement ‘réfléchi' pour mettre fin au désordre actuel et de ramener le FLN à la raison», confie le député.
Guerre des… clans
Le FLN est considéré par certains observateurs comme étant la troisième colonne du pouvoir en Algérie, sinon le troisième clan. «La maison FLN abrite tous les Algériens, parfois de tendances idéologiques qui n'ont rien à voir avec celles édictées par le parti. Au sein du FLN, des militants se proclament les fils légitimes de la Révolution, donc avec un droit de regard sur les affaires du pays, d'autres depuis l'avènement de Abdelaziz Bouteflika, qui n'est autre que le président d'honneur du FLN, se proclament proches du Président, enfin certains ne cachent pas leur proximité avec l'armée, donc des services qui, à un certain moment, contrôlaient tout ce qui se passait à l'intérieur du parti. Cette configuration fait du FLN le croisement de beaucoup d'intérêts à la fois politiques, mais aussi d'intérêts financiers, donc les deux autres clans (présidence et armée) tentent de récupérer le FLN», analyse un ex-ministre FLN.


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