FLN (encore) un coup d'Etat annoncé El Watan, 22 octobre 2010 Plus d'une dizaine de blessés lors d'affrontements, ces deux dernières semaines, entre militants FLN : rien ne va plus dans le vieux parti, menacé en plus d'un nouveau «redressement». Lutte de clans ou de groupes d'intérêt économiques, conflit de générations ou simplement début de campagne pour les prochains rendez-vous électoraux. Chacun y va de sa version. El Watan Week-end a enquêté. «Il est devenu coutume qu'à l'approche des échéances électorales, les mouhafadhas du FLN deviennent une arène de combats entre militants», commente un sénateur FLN. Depuis quelques semaines, l'ex-parti unique est secoué par une grave crise, où lors d'affrontements entre militants on a fait usage d'armes blanches et de gaz lacrymogènes ainsi que la mobilisation de certains «gangs» de quartier dans la bataille transportés par des bus appartenant aux communes. Le ministère de l'Intérieur compte ouvrir une enquête concernant l'utilisation des moyens de l'Etat par des élus FLN à des fins partisanes. Un sénateur, en l'occurrence Zitouni, aurait, selon des militants à Annaba, sorti son arme automatique afin de disperser la foule lors d'une attaque contre la mouhafadha. Les militants n'écartent pas l'éventualité de le poursuivre en justice individuellement. A travers les wilayas, le bilan est d'une dizaine de blessés. La raison évoquée jusqu'à présent est l'ultimatum adressé par le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, aux mouhafadhas des 48 wilayas afin de renouveler les instances locales du parti avant le 31 octobre. Et aussi, l'immixtion à peine voilée de la centrale dans les affaires des mouhafadhas, selon des députés FLN. Les militants reprochent aux superviseurs désignés par Belkhadem leur connivence avec les mouhafedhs. Pis encore, la déclaration surprenante de Belkhadem, qui appelle ses supporteurs à «couper la tête aux perturbateurs», a été qualifiée par El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, d'«irresponsable» et comme étant aussi à l'origine même des violences entre militants. Conflit de générations Abdelaziz Belkhadem avait appelé les instances dirigeantes de son parti au rajeunissement des rangs et au renforcement de la présence des femmes au sein du parti. «Cet appel a été bien reçu par les jeunes qui se sont alors livrés à un combat ardu avec les vieux ténors du parti», explique un jeune militant FLN de la kasma de Bourouba à l'est d'Alger, tout en déplorant l'insistance de certains «vieux» à «rester collés à leur siège». Le mouhafedh d'une wilaya du centre du pays, que nous avons joint par téléphone, explique : «Vous ne pouvez pas permettre à un jeune de prendre les rênes du parti. Nous n'avons pas la même perception des choses et ces jeunes, notamment les plus instruits, veulent apporter une vision nouvelle qui risque d'influer sur l'idéologie même de notre parti. Ce sera l'acte de décès du FLN.» La jeune génération ferait-elle si peur aux décideurs du FLN ? «Oui, il s'agit d'un vieux débat au sein du parti. La jeune génération a d'autres préoccupations que celles prônées par l'ancienne, où la révolution et le nationalisme exacerbés sont la matrice et la légitimé sur lesquelles se basent les instances actuelles du parti, alors que les jeunes tentent de ramener le FLN au peuple pour s'occuper des problèmes de la population», explique un ex-ministre issu du FLN. La ruée vers la fortune Si le conflit de générations fait rage au sein du FLN, celui des hommes d'affaires et autres commerçants, quant à lui, n'est pas en reste. «Le FLN est un canal par lequel des fortunés deviennent maires, députés ou sénateurs. Cela leur procure immunité et autres privilèges. Il ne faut pas s'étonner lorsque vous voyez des hommes d'affaires s'immiscer dans les affaires des mouhafadhas. Personnellement, j'ai eu affaire à de nombreuses personnes qui m'avaient proposé de l'argent pour atteindre l'hémicycle de Zigout Youcef», confie un ex-mouhafedh de l'est du pays. Dans certaines wilayas, où le business est florissant, des hommes d'affaires n'hésitent pas «à utiliser tous les moyens possibles pour se déstabiliser entre eux, la corruption des dirigeants locaux devient ainsi l'ultime recours, quant à d'autres, les recommandations proviennent en leur faveur de la centrale, chose que je ne pouvais plus accepter», révèle un ancien responsable du FLN. Cet état de fait n'est pas sans conséquences sur la gestion des collectivités locales. Des députés FLN n'écartent pas la possibilité de voter contre le projet du nouveau code communal, actuellement en débat. «En mettant le P/APC sous la coupe du wali, ce poste ne devient plus attractif pour certains et le FLN sera le premier perdant dans cette nouvelle donne», avertit un député FLN. Pourquoi ? Tout simplement, selon un proche du parti, «certains commerçants, qui voulaient devenir maires pour s'occuper de la dilapidation des deniers publics et de la distribution des projets locaux, ne veulent ce poste que comme tremplin pour être élus ensuite sénateur. Et bien sûr, à ce niveau, il n'y a pas de place pour tout le monde», poursuit l'ancien mouhafedh. Fossé entre le haut et le bas L'autre raison de tant d'ébullition réside dans la redistribution des rôles et des postes de responsabilité. «Ce sont toujours les mêmes qui dirigent et qui se succèdent. Nous, les militants de base, notre seule activité est de coller les affiches et faire le ‘berrah' pendant les campagnes électorales… et bien sûr verser les cotisations en début d'année», tonne un militant d'Alger. Lors du renouvellement des instances locales, certains mouhafedhs ont utilisé un subterfuge devant les candidats, à savoir le non-renouvellement des cartes d'adhérent et le non-paiement des cotisations. «Alors que la plupart des vieux militants n'ont jamais payé un centime, ils se voient tout de même reconduits et maintenus, ils exercent un diktat absolu sur les affaires et du parti et des communes», poursuit notre interlocuteur. Les retombées se font ainsi ressentir sur le fonctionnement même du vieux parti, reflétant le fossé qui existe déjà entre gouvernants et gouvernés. Pour preuve que la courroie de transmission est cassée entre le FLN d'en haut et le FLN d'en bas : «Toutes ces caravanes (délégations de militants locaux en bus), envahissent le siège national à Hydra, car les canaux de communication n'existent pas entre la base et la centrale, les mouhafedhs sont maîtres des lieux.» Dégradation des mœurs Ulcérés par les scènes de confrontation violente entre militants et décideurs locaux, des députés et des membres du gouvernement n'excluent pas, selon El Khabar de samedi dernier, le recours à un nouveau redressement, un remake de celui de 2004, conduit par Belkhadem contre Benflis.L'appel, qui sera lancé prochainement, et qui se reposerait sur une charte de 40 articles, aura pour but, selon ses initiateurs, de mettre de l'ordre et mettre fin à «la dégradation des mœurs au sein du parti». Des retraits de confiance en chaîne Le conflit risque de s'étendre en cas de persistance aux assemblées locales : «Certains clans écartés des récents votes de renouvellement des instances menacent les maires proches des clans rivaux de retrait de confiance dans les prochains jours en représailles à ce qui se passe en ce moment», avertit un député FLN de Djelfa. Selon lui, les derniers événements «ne sont en réalité que le résultat d'un ras-le-bol généralisé qui a mené à des tractations, d'où le déclenchement de ce vaste mouvement ‘réfléchi' pour mettre fin au désordre actuel et de ramener le FLN à la raison», confie le député. Guerre des… clans Le FLN est considéré par certains observateurs comme étant la troisième colonne du pouvoir en Algérie, sinon le troisième clan. «La maison FLN abrite tous les Algériens, parfois de tendances idéologiques qui n'ont rien à voir avec celles édictées par le parti. Au sein du FLN, des militants se proclament les fils légitimes de la Révolution, donc avec un droit de regard sur les affaires du pays, d'autres depuis l'avènement de Abdelaziz Bouteflika, qui n'est autre que le président d'honneur du FLN, se proclament proches du Président, enfin certains ne cachent pas leur proximité avec l'armée, donc des services qui, à un certain moment, contrôlaient tout ce qui se passait à l'intérieur du parti. Cette configuration fait du FLN le croisement de beaucoup d'intérêts à la fois politiques, mais aussi d'intérêts financiers, donc les deux autres clans (présidence et armée) tentent de récupérer le FLN», analyse un ex-ministre FLN. Les satellites du FLN s'y mettent Les différentes associations et organisations proches du FLN ne sont pas restées indifférentes face à ce qui se passe au sein du parti. Ainsi, l'Organisation nationale des enfants de chouhada a, à travers son secrétaire général Khaled Bounedjma, ouvert le feu sur Belkhadem, en qualifiant ses récentes déclarations, concernant la réformes des lois régissant l'activité des partis politiques et des associations en interdisant à ces dernières toute activité politique, d'«ingrates». Certaines organisations avancent que, lors de «la tragédie nationale», ces associations «faisaient face seules à la foudre islamique». Mais, selon certains militants, ces associations si «elles affichent aujourd'hui leur mécontentement vis-à-vis du FLN, pourtant leur principal parrain, c'est qu'elles ont reçu le feu vert d'une autre partie du front pour passer à l'attaque». Le complexe RND Le RND ou le «fils légitime du FLN». L'ascension du Rassemblement national démocratique sur la scène politique nationale a été «mal perçue» par les militants du FLN. Si pour certains chauvins de l'ex-parti unique, le RND est le fils légitime du FLN, pour d'autres, il ne s'agit que du «parti de l'armée», nous expliquent des ex-cadres du FLN. «Une actuelle et intense lutte entre clans – peu ostentatoire – se traduit dans le champ politique par la déstabilisation des principales forces politiques du pays, afin que le RND puisse succéder au FLN en 2012. Seule une fracture au sein du FLN pourra permettre cela», analyse un ex-chef de gouvernement. Une source proche du bureau politique actuel du FLN n'écarte pas la possibilité d'une hémorragie des cadres au profit du RND, promu le prochain vainqueur des élections de 2012. Le ministre Belkhadem contre le SG Belkhadem ! Selon le quotidien Wakt El Djazaïr, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, compte prochainement engager un débat au sein du bureau politique : il voudrait proposer aux ministres FLN de choisir entre «s'occuper des activités partisanes au sein du parti ou bien de continuer à gérer leur département ministériel». Une intention qui risque de mettre en péril l'avenir du parti et donner lieu à une nouvelle confrontation, cette fois-ci, au sommet du parti. Choix bizarre de stratégie, d'autant que Belkhadem est… lui aussi ministre d'Etat ! Zouheir Aït Mouhoub Annaba : 54 mouhafedhs menacent de demissionner Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte le 22.10.10 | 03h00 Réagissez La passivité adoptée par la direction nationale du parti FLN dans le traitement de la crise qui secoue depuis plus d'une semaine son parti a été mal perçue par les 54 mouhafedhs, dont plusieurs ont fait l'objet d'un «putsch». Selon des sources FLNistes, la plupart des responsables locaux envisagent de déposer une démission collective à l'effet d'exercer une pression sur leur secrétaire général Abdelaziz Belkhadem pour l'emmener à prendre des mesures disciplinaires à l'encontre «d'indu-occupants» des sièges, locaux des mouhafadhas. La situation inconfortable dans laquelle se trouve actuellement Zitouni Mohamed Salah, sénateur et mouhafedh de Annaba délogé de force de son «temple» par ses opposants et débouté par la justice après une plainte déposée en référé, a fait accentuer les craintes des autres mouhafedhs. D'autant plus que le mouvement de révolte est devenu contagieux ces derniers jours et a fait tache d'huile à travers les autres wilayas. Même les propos rassurants du secrétaire général à travers la presse n'ont pas eu l'effet escompté. Mohamed Fawzi Gaïdi Sétif : «Des caciques se préparent à l'après-Bouteflika» Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte le 22.10.10 | 03h00 Réagissez La guerre des clans qui éclabousse le sommet de la pyramide du vieux parti n'étonne pas beaucoup de militants des Hauts-Plateaux sétifiens. Certains s'attendaient à de tels remous depuis quelque temps. «La dissidence du temps de Ali Benflis a non seulement affaibli le parti, mais donné un grand coup de massue à sa cohésion. Cette période, que nous considérons comme l'une des plus sombres, a permis à une nouvelle vague de militants, n'ayant rien à voir avec les valeurs et la ligne du FLN, d'émerger au niveau des assemblées élues. Le parachutage de ces arrivistes, imposés par la direction centrale qui a tourné le dos aux choix de la base, se répercute actuellement sur le fonctionnement du parti, faisant désormais les frais des décisions antidémocratiques. Cette approche a accentué le fossé entre le sommet et la base qui ne fait qu'appliquer les décisions d'en haut», expliquent plusieurs militants. Alors que d'autres incriminent la vieille garde : «La perte de sièges au niveau du bureau politique indispose la vieille nomenklatura qui a fait main basse sur les centres de décisions du parti des années durant. Ne voulant pas se rendre à l'évidence que le temps est venu pour remettre le témoin, ces caciques se préparent, à travers une telle agitation, à l'après-Bouteflika. Les militants de la base ne sont pas dupes, ils ne vont pas composer avec des gens dépassés par le temps et les événements.» Profitant de l'opportunité, des FLNistes de la première heure pointent carrément du doigt Salah Goudjil supposé être l'un des représentants de la wilaya de Sétif à l'APN. «Imposé de force dans la liste des candidats à la députation, Salah Goudjil, qui ne se préoccupe guère des affaires de Sétif, où on ne le voit jamais, est mal placé pour disserter sur le fonctionnement démocratique du parti. Ce dernier, qui n'a rien dit quand il était membre de la direction, vient maintenant nous claironner de vieux tubes. Il a raté une occasion de quitter la scène en beauté. Nous ne disons pas cela pour délivrer un quitus à l'actuelle direction, n'étant pas exempte de tout reproche. Le fonctionnement vertical du parti qui refuse la contradiction et l'avis de l'autre a ouvert la voie à tous les dépassements et dérives. Il ne faut pas avoir peur des mots, le FLN qui renie ses enfants a perdu son authenticité», estiment les anciens, qui n'ont pas omis de préciser que le renouvellement des structures des 50 kasmas sur les 60 que compte la wilaya s'est déroulé dans de bonnes conditions. Kamel Beniaiche Oran : Une équation insolvable Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte le 22.10.10 | 03h00 Réagissez Deux tendances, l'une autour du colonel Abid, député, une autre sous la coupe de Mohamed Freha, de la kasma des anciens moudjahidine (dite n° 2), et un groupuscule d'électrons libres, qui s'agitent de temps à autre, à l'exemple de M. Dif, représentent en gros la configuration organique du FLN à Oran. On est plus dans le clivage redresseurs-anciens pro-Benflis mais, effet de vases communicants oblige, l'équation est tellement complexe aujourd'hui qu'aucune solution ne semble possible pour dénouer une crise qui date de près de sept ans et qui s'est aggravée au fil du temps. Les deux parties (elles-mêmes caractérisées par des va-et-vient incessants) sont inconciliables et, comme à chaque rendez-vous organique ou électoral, Oran multiplie ses listes avec, à chaque fois profitant de la cacophonie ambiante, des noms parachutés, à l'instar de l'équipe qu'on a imposée sous la bannière du parti à la tête de la mairie d'Oran lors des dernières élections locales, mais qui n'avait rien à voir avec le FLN. «Le travail de restructuration se poursuit normalement, nous avons installé 36 kasmas sur les 40 et l'opération sera terminée dans les délais (la fin du mois en cours, ndlr)», déclare, sûr de lui, M. Abid, qui a l'avantage d'occuper stratégiquement le siège de la mouhafadha du parti et qui assure que cette opération s'est effectuée sous la bénédiction des six superviseurs dépêchés à l'occasion par la direction centrale. L'aile Freha ne reconnaît pas la légitimité du colonel Abid en tant que mouhafedh, mais sa volonté de déloger ce dernier du local officiel du parti est restée un vœu pieux et tous les appels lancés dans ce sens n'ont pas été suivis d'effet. «Nous avons nos 40 kasmas qui sont déjà structurées depuis 2006», assure un responsable de la kasma 9 ouverte dans son propre domicile, pro-Freha (ce dernier était, mardi, à Alger pour tenter de valider cette liste). Un militant de la kasma 3, qui se targue d'être neutre, pense, quant à lui, que cette situation a une volonté de casser le parti à Oran pour l'empêcher d'avoir l'influence régionale qu'il avait dans le passé. La complexité de la situation est aggravée par l'attitude, par ailleurs, dénoncée et prônée par Abdelaziz Belkhadem qui s'est toujours gardé de prendre position, laissant ses lieutenants, chacun selon ses intérêts, tenter d'interférer pour réunir les troupes, en vain, jusque-là. Djamel Benachour ==================================== Note de la rédaction LQA : Cette photo plaira certainement à mes deux chers frères Si Abdelkader et Adel 133.