C'est pour avoir refusé de recevoir le procureur à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou, que les prisonniers ont été mis au cachot. L'état de santé des détenus du mouvement citoyen se détériore de jour en jour. Mercredi dernier, alors qu'ils étaient au 23e jour de la grève de la faim, les six prévenus — Belaïd Abrika, Rachid Allouache, Mohamed Nekkah, Mouloud Chebheb, Tahar Allik et Lyes Makhlouf — ont été punis pour avoir refusé de recevoir le procureur à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou, nous ont informés leurs familles. La punition consistait en leur isolation et leur mise au cachot, cellule glaciale et infecte, de chacun d'entre eux. Quelques heures plus tard, n'ayant pu supporter ces conditions pour le moins inhumaines et dégradantes, Rachid Allouache et Mohamed Nekkah, diabétiques, sont évacués en urgence au CHU de Tizi Ouzou. Ces derniers se sont plaint à leurs parents venus leur rendre visite à l'hôpital et qui, à leur tour, ont alerté la presse. Cette sanction infligée aux détenus, malgré leur état de santé qui ne cesse de se dégrader au fur et à mesure que les jours passent, ainsi que le refus du procureur général d'autoriser des parents des martyrs du printemps noir de rendre visite aux grévistes de la faim afin d'essayer de les convaincre de surseoir à leur action suicidaire, sachant qu'ils peuvent influencer les détenus dans la révision de leur décision, et enfin l'interdiction des responsables du pénitencier d'introduire certains titres de quotidiens indépendants chez les détenus laissent libre cours aux spéculations quant à la volonté d'envenimer encore davantage la situation, en contribuant à aggraver l'état de santé des grévistes de la faim, les isolant et leur imposant un “séjour” dans des conditions inhumaines. “Ils veulent nous tuer à petit feu”, s'est plaint l'un des détenus à son parent, après la punition infligée. La CADC, qui a pris acte, s'apprêtait, dans son conclave ordinaire tenu hier à Larbaâ Nath Irathen, à réagir en conséquence. Notons enfin qu'un troisième détenu a été évacué hier à l'hôpital de Tizi Ouzou. Il s'agit de Mouloud Chebheb qui, malgré son ulcère, a repris la grève de la faim en choisissant de mettre fin au traitement médical auquel il était soumis. Le 3 décembre dernier, les détenus du mouvement citoyen en détention préventive à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou, depuis près de deux mois et demi, ont décidé d'entamer une grève de la faim illimitée pour, disent-ils dans une déclaration qu'ils ont pu rendre publique : “Dénoncer l'instrumentalisation de la justice par les décideurs du régime heggar, rappeler la revendication fondamentale et principale de la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur et alerter l'opinion publique nationale et internationale sur l'urgence et la nécessité de notre libération.” La CADC avait, le jour de l'Aïd, soit au troisième jour de la grève de la faim, demandé aux détenus de cesser leur action jugée “suicidaire”. C'était peine perdue devant la détermination de Belaïd Abrika et ses compagnons. Avant le 3 décembre et outre les sit-in hebdomadaires devant le tribunal correctionnel de Tizi Ouzou, des actions populaires, telles que la fermeture des sièges de daïras à l'échelle interwilayas, des rassemblements et marches locales, ont été organisées, mais sans que le pouvoir libère les détenus. La dernière action nationale en date a été la marche des délégués à Alger à l'issue de laquelle une délégation de l'Interwilayas devait remettre un rapport à la représentation onusienne sur les détenus et la question des violations des droits de l'Homme. Plusieurs autres lettres ont été adressées à des ONG internationales, mais ces dernières sont restées muettes à ce jour. Quelques jours plus tard, vu la dégradation de l'état de santé des détenus et devant l'inquiétude de la population et le silence des autorités mais aussi de certaines ligues des droits de l'Homme, pourtant promptes à réagir quant il s'agit de détenus d'autres horizons politiques, une délégation de sages s'est rendue à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou avec l'autorisation du procureur général de la cour de Tizi Ouzou pour tenter de dissuader les grévistes de la faim de poursuivre leur action. Une fin de non-recevoir leur a été signifiée fermement de la part des détenus. D'autre part, des pétitions ont été initiées par des personnalités nationales et des comités de citoyens au niveau de tout le pays, notamment à Batna et à Oran. L'adhésion de la population à l'exigence de libération des détenus s'est vérifiée par le nombre impressionnant de signataires, qui ne cessent d'affluer vers les rédactions et à leur tête des responsables de partis politiques, des intellectuels, d'éminents juristes et des notoriétés artistiques et culturelles. K. S.