Akli Tadjer, un écrivain assez atypique ? Oui, tout à fait ! Lui-même revendique sa propension à la singularité : «Atypique dans le sens où je suis autodidacte mais ça c'est une maladie qui se soigne très bien de nos jours. La preuve, si je ne le dis pas, personne ne le remarque.» (El Watan du 4 mai 2009). Cet auteur franco-algérien, né en 1954 à Paris et dont la première œuvre date de 1984, s'est donc formé tout seul et ce n'est point une faiblesse ni sa seule originalité. Il végéta longtemps à écrire des chansonnettes pour de sombres petits groupes de rock blasés par l'insuccès. Un jour, un bon jour, sa bonne étoile vint quand même à briller sous la forme de la silhouette d'un de ses amis, un certain André Robinson qui lui a fait lire Céline. Et voilà notre petit Akli transformé. Oubliant ses lectures d'enfant : Blek le Rock, Zembla, Akim et autres Kiwi, Tex Willer…, ou encore celles faciles mais pauvres qui le firent haleter un peu plus tard, il s'empiffra goulûment de bonne littérature. Ainsi, naquit l'envie d'écrire. Au début des années 1980, il laissa un responsable littéraire du journal Le Monde ahuri en forçant sa porte pour tenter de lui faire lire un manuscrit ; c'est que notre apprenti écrivain n'a pas froid aux yeux, pas plus qu'il n'est souvent fâché avec la modestie. Le passage par l'école de journalisme de la rue du Louvre améliore ses compétences. En 1984, le petit autodidacte, croyant dur comme fer qu'il était, telle une parturiente, en plein travail, gros d'un bon écrivain, il s'accrocha comme un morpion à sa plume. Et pour un coup d'essai, ce fut un bon coup qui apporta plus que du plaisir, de la jouissance. Ce premier titre : Les ANI du Tassili ou Le passager du Tassili, écrit après un voyage dans l'extrême sud de l'Algérie, sera porté illico presto à l'écran une année plus tard après avoir été (déjà) distingué du prix Georges Brassens. Le succès à la télévision donne de bien longues dents à Tadjer qui se met dans la tête qu'il peut croquer aussi du scénario. Et ça marche ! L'audacieux enfant de Gentilly, admirateur de Clint Eastwood, va travailler - que l'on se tienne bien - sur le fameux Commissaire Maigret, ce qui lui donne de l'assurance. Il s'y plaît et il y reste. Le cabochard qu'il a été à l'orée des années 1980 oublie pourtant la littérature. L'infidélité durera trois bons lustres. Il revient à ses premières amours en 2000 avec Courage et patience, édité par J.C Lattès. En 2002, voilà Le porteur de cartable qui accroche les gens de la télévision. Une adaptation le porte à l'écran et l'Education nationale l'adopte dans ses programmes des collèges et lycées. «Un livre, un bon livre, quoi de mieux pour ne pas rêver idiot», disait-il, il y a un peu plus d'une année dans les colonnes d'El Watan. Alors, la frénésie d'écriture revient et, cette fois-ci, les titres s'enchaînent avec régularité. En 2005, il pond Alfonse, toujours chez Lattès. En 2006, il obtient le prix Populiste avec Bel-Avenir publié par Flammarion. En 2008, c'est franchement le succès avec Il était une fois peut-être pas et c'est encore J.C Lattès qui le met sur le marché. Il revient chez Flammarion en 2009 avec Western. Voilà le bel itinéraire d'un enfant de la banlieue, qui a poussé comme une mauvaise herbe avec les bandes dans les HLM, lisant Blek le Roc et faisant pétarader la moto qui se retrouve auteur et auteur bien apprécié. Cette reconnaissance aussi paradoxale que cela puisse paraître, il la doit aussi à cette période qui a imprimé en lui le sens de la répartie, l'envie de vivre à vive allure, le style imagé et la magie de la phrase bien tournée.