C'est la première fois depuis l'arrivée de M. Bouteflika à El Mouradia qu'une mesure de grâce fait l'objet de polémique et de suspicion. Les raisons sont liées au fait que le communiqué de la Présidence, annonçant ces mesures au profit de 6778 détenus, ne précise pas les catégories qui en sont exclues. Selon un magistrat membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), institution qui propose la liste des bénéficiaires, celle-ci a concerné uniquement les détenus de droit commun, condamnés définitivement et dont le restant de la peine est égal ou inférieur à six mois. Même les détenus qui ont bénéficié d'une remise de peine de 7 à 11 mois ne sont pas impliqués dans les affaires de terrorisme. Ces propos rejoignent ceux d'un responsable au niveau de l'administration pénitentiaire, qui a affirmé que la mesure de grâce décidée à l'occasion du 1er novembre n'a rien à voir avec les dispositions de la charte pour la paix. « Celle-ci est assujettie à des décrets d'application qui, à ce jour, n'ont pas encore été élaborés », a-t-il déclaré. En fait, ce retard n'est pas fortuit. Il est la conséquence d'un désaccord entre les décideurs qui porte sur les conditions d'éligibilité aux mesures, notamment celles destinées aux détenus liés aux affaires de terrorisme. « Certains refusent que la grâce touche tous les prisonniers impliqués dans les réseaux de soutien au terrorisme. Ils veulent qu'elle soit destinée à ceux qui la méritent. C'est-à-dire qu'elle soit accordée au cas par cas. D'autres veulent tout simplement vider les prisons de tous les détenus condamnés ou en attente d'un procès appartenant à des réseaux de soutien. Ce qui pourrait avoir des conséquences sur la scène sécuritaire. L'expérience de la première grâce liée à la loi sur la concorde civile a montré que beaucoup de ces bénéficiaires ont rejoint les maquis. Cette question semble déjà tranchée et nous pensons que la grâce sera accordée à ceux qui la méritent. C'est-à-dire au cas par cas », a déclaré notre source. Cette nouvelle démarche qui consiste à étudier les dossiers de chacun des détenus avant toute mesure de grâce ne concerne pas uniquement les prisonniers liés aux affaires de terrorisme, mais également ceux de droit commun. Il y a quelques mois, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, avait déclaré à El Watan, qu'il est question de revoir les conditions d'éligibilité des prisonniers à la mesure de grâce et d'étudier au cas par cas les éventuels bénéficiaires de cette mesure. Depuis l'an 2000, celle-ci était à chaque événement utilisée pour diminuer le nombre de prisonniers dans les établissements pénitentiaires, où la surpopulation constitue le point noir du secteur. A signaler que les détenus de droit commun, notamment ceux liés à la petite criminalité, constituent la majorité de la population carcérale, selon le premier responsable de l'administration pénitentiaire. La mise en liberté de quelque 6778 prisonniers n'influera pas beaucoup sur la densité carcérale, puisque ces derniers mois cette population a augmenté considérablement pour dépasser les 50 000 détenus, entassés dans des structures qui, dans la majorité des cas, ne répondent pas aux normes internationales. Il aura suffi que des détenus en colère allument le feu dans leurs cellules pour que l'opinion publique découvre ébahie leurs conditions de détention. Ces événements qui ont eu lieu en début de l'année 2002 se sont terminés avec un bilan lourd. Plus d'une cinquantaine de détenus ont péri dans des circonstances tragiques et autant ont été blessés. A ce jour, les familles des victimes attendent la vérité sur ce qui s'est passé.