Le gouvernement n'a ni l'intention ni la volonté de désapprendre le prix de 19 dollars le baril de pétrole comme base de référence à l'élaboration de la loi des finances 2006. Pourtant, les voix fusent de partout. Dans le milieu parlementaire comme pour de nombreux observateurs, y compris les économistes, la question centrale, qui revient d'ailleurs tel un leitmotiv, demeure la suivante : « Pourquoi le gouvernement s'obstine-t-il à maintenir l'élaboration de la loi de finances sur un prix de baril à 19 dollars alors que l'Algérie continue depuis quelques années à engranger des recettes pétrolières bien plus importantes en raison de l'augmentation des cours mondiaux du brut ? » Il en a résulté ainsi une espèce d'acharnement sur la question face à laquelle le gouvernement s'est montré comme désarçonné. Mais tout récemment, contre toute attente d'ailleurs, voilà que le ministre des Finances, Mourad Medelci, a décidé cette fois-ci de couper l'herbe sous le pied de ses contradicteurs en affirmant, la première du genre peut-être, que, en réalité, la loi de finances est « calculée » sur un prix de baril à 43 dollars et non à 19 comme présenté. L'argument massue a laissé perplexes plus d'un. Plusieurs semaines se sont écoulées depuis cette annonce et son effet semble avoir justement eu raison des possibilités de réplique. Les quelques experts que nous avons pu contacter pour tenter d'apporter les éclairages à cet imbroglio ont tari de commentaires. Mais, enfin, qu'en est-il au juste ? Il est bien clair que le cadrage économique de la loi de finances pour 2006 comporte, parmi les principaux, les indicateurs suivants : maintien du prix du baril de pétrole brut à 19 $, la parité monétaire est de 74 dinars pour un dollar, un taux d'inflation de 3,5% et une croissance prévisionnelle de 5,8%. Alors pourquoi « 43 dollars » ? La réponse est à chercher dans le déficit budgétaire prévu dans la loi de finances. En effet, il faut savoir que le déficit budgétaire est de l'ordre de 963 milliards de dinars - avec un baril à 19 dollars. Du coup, selon le directeur du budget au ministère des Finances, M. Boumaza, « si on cherche l'équilibre budgétaire et suivant un petit calcul, l'on retombe dans un budget des dépenses pour 2006 avec un niveau de fiscalité pétrolière qui est de l'ordre de 43 dollars ». L'argument des 43 dollars trouve son sens dans le cas d'un équilibre budgétaire qui montre que l'effort des dépenses consenties par l'Etat fait remonter la base de calcul des recettes pétrolières au niveau de 43 dollars et non pas à 19 comme présenté dans les textes. Mais, en vérité, le niveau de 19 dollars est bien réel. Alors que s'est-il passé ? Tout semble se passer comme si le gouvernement a conçu un déficit budgétaire « fictif ». Un déficit fictif parce qu'en vérité il ne correspond pas à la réalité, du fait que les recettes budgétaires, au vu de la tendance des cours mondiaux du pétrole, dépasseraient allégrement les dépenses budgétaires. Dans cette grille d'analyse, il est bien clair qu'on est en présence d'un cas d'excédent budgétaire et non de déficit budgétaire. Qu'à cela ne tienne, le gouvernement a la responsabilité de ses propres choix politiques. Un déficit budgétaire de 963 milliards de dinars est bien là. Et il s'agit maintenant de savoir (ce qui nous importe le plus) comment il sera financé. M. Boumaza nous a d'emblée affirmé : « Ce déficit n'est pas financé par le Fonds de régulation des recettes. » Ce fonds a dépensé quelque 44%, soit 954,33 milliards de dinars à fin août 2005, depuis sa création en l'an 2000. Il sert au remboursement de la dette. Quels sont alors les différents modes de financement prévus pour combler le déficit budgétaire ? Ces types de financement sont au nombre de trois ; et le déficit budgétaire sera pris en charge par la Banque de l'Etat, en l'occurrence le Trésor public. Selon notre interlocuteur, le solde global du Trésor est à un peu plus de 700 milliards de dinars. Et pour les besoins de ses financements, le Trésor a des « disponibilités » sur son compte au niveau de la Banque d'Algérie qui équivalent à un peu plus de 300 milliards de dinars. Ce montant peut ainsi couvrir presque la moitié du déficit global du Trésor. Pour la partie restante, il existe, nous dit-il, environ 1500 milliards de dinars de disponibilités (les surliquidités) sur le marché monétaire (banques, assurances...). Le Trésor va ainsi assurer ce financement en empruntant ces surliquidités par le moyen des bons de Trésor. Enfin, quelque 10 % du déficit du Trésor seront financés par les biais des crédits concessionnels extérieurs. Il est à noter, en somme, que l'argument des 43 dollars n'enlève en rien à la pertinence des observations sur le surplus de la fiscalité pétrolière qui échappe totalement au contrôle des députés. Comme d'ailleurs, en définitive, aux remarques faites sur le niveau des 19 dollars. Avis aux observateurs.