Pour plus d'un million et demi de citoyens palestiniens vivant dans la bande de Ghaza, le terminal de Rafah est la seule porte de sortie vers le monde non gardée par des Israéliens. Aujourd'hui, les caravanes humanitaires arrivent à passer à nouveau. Petite histoire de cette frontière pas comme les autres. Octobre 2010. Une nouvelle caravane humanitaire de 140 véhicules entre dans la bande de Ghaza via Rafah. Les aides apportées par ce convoi sont évaluées à près de 5 millions de dollars. Plus de 300 militants propalestiniens venant d'une trentaine de pays, dont l'Algérie, ont participé à cette caravane. D'autres convois sont prévus.
Juin 2010. Quasiment fermé à longueur d'année depuis le contrôle de la bande de Ghaza par le mouvement islamiste Hamas à l'été 2007, le terminal de Rafah a été ouvert pour une durée indéterminée sur ordre du président égyptien Hosni Moubarak, le 1er juin dernier. Cette décision a suivi le tollé international provoqué par l'attaque de la flottille turque par les Israéliens. L'ouverture se limite aux cas humanitaires (blessés, malades, étudiants inscrits dans des universités étrangères, citoyens résidant dans d'autres pays).
Janvier 2008. Près de 750 000 Palestiniens, soit la moitié de la population, se ruent vers l'Egypte, après avoir démoli la muraille qui tenait lieu de ligne de frontière. Privée de tout, surtout de carburant, de médicaments et de produits de base, la population palestinienne a pratiquement vidé le nord du Sinaï. En quelques jours seulement, les réservoirs des pompes à essence et les étalages des magasins étaient pratiquement vides dans la ville d'Al Aariche ainsi que dans toutes les localités du nord Sinaï. Une aubaine pour les commerçants égyptiens qui n'hésitaient pas à vendre leurs marchandises trois ou quatre fois plus chères. Cette déferlante humaine soudaine a poussé les autorités égyptiennes à assouplir, de façon légère, les conditions d'accès au niveau du terminal. Après cet évènement majeur, les Palestiniens ont commencé à construire un réseau de tunnels sous la frontière avec l'Egypte.
Juin 2006-juillet 2007. Pendant cette période, 75 000 Palestiniens ont pu quitter la bande de Ghaza et 67 000 ont regagné l'enclave palestinienne. Autre date clé sur le fonctionnement du terminal : le 14 juin 2007, quand le Hamas s'empare de la bande de Ghaza. Après le retrait des forces de l'Autorité palestinienne, les observateurs européens quittent définitivement le terminal, complètement fermé. Se basant sur la nonprésence effective dans le terminal des forces de l'Autorité palestinienne et des observateurs européens, comme l'exigent les accords de 2005, l'Egypte décide de fermer sa partie du terminal.
Juin 2006. Pratiquement ouvert tous les jours, le terminal de Rafah traverse une période tranquille jusqu'au 25 juin 2006, date de la capture du soldat israélien Gilaad Shalit, à la lisière de la bande de Ghaza, près du point de passage de Karm Abou Salem, à quelques kilomètres au sud-est du terminal de Rafah. Israël commence alors à imposer un blocus partiel à l'enclave palestinienne. Depuis cette date, le terminal de Rafah n'ouvre que trois jours par semaine, souvent moins, lorsqu'Israël empêche les observateurs européens de s'y rendre au nom de motifs sécuritaires généralement infondés.
Septembre 2005. Sous contrôle israélien depuis sa mise en place après les accords de paix avec l'Egypte en 1979, et surtout après le retrait israélien du Sinaï en 1982, les Israéliens sont restés les maîtres des lieux jusqu'à leur retrait de la bande de Ghaza, le 11 septembre 2005. Les Palestiniens, sous la supervision d'observateurs européens, prennent en charge sa gestion. Sous le parrainage des Etats-Unis et de l'ancienne secrétaire d'Etat Condoleeza Rice, un accord tripartite en ce sens est signé par l'Autorité palestinienne, Israël et l'Union européenne. D'une durée d'un an, l'accord permettait à Israël, à travers un réseau vidéo, d'avoir une vue permanente sur le fonctionnement du terminal. Durant la période qui suivra, l'ouverture du terminal de Rafah -ou sa fermeture- dépendront d'évènements sécuritaires et politiques.
Un pas sur la voie de la réconciliation La bande de Ghaza, dans les faits et juridiquement, est toujours sous occupation israélienne. L'ouverture totale du terminal de Rafah répond à un besoin urgent pour la bande de Ghaza et pourrait constituer un pas sur la voie de la réconciliation interpalestinienne, en améliorant les conditions de voyage des citoyens. Reste une autre affaire, aussi importante que celle de l'ouverture du terminal de Rafah : l'interdiction, par l'occupant israélien, de la libre circulation des citoyens entre la bande de Ghaza et la Cisjordanie occupée, qui représentent une seule unité géographique et politique. C'est contraire aux lois internationales et surtout à la 4e convention de Genève. Le blocus israélien de la bande de Ghaza et son isolement total de la Cisjordanie, où l'Etat hébreu veut créer des bantoustans isolés, sont des tentatives israéliennes de créer des entités palestiniennes multiples et isolées les unes des autres pour mettre définitivement fin au projet national palestinien de créer un Etat indépendant et souverain sur l'ensemble des territoires occupés y compris la ville sainte d'Al Qods.
TEMOIGNAGES ILS ONT TRAVERSE PAR LES TUNNELS « Jedevais rejoindre mon mari en Egypte. Mais comme il ne pouvait pas sortir, j'ai fait le parcours jusqu'à Ghaza. Avec la fermeture du terminal de Rafah, j'ai dû passer par les tunnels de contrebande sous la frontière, raconte Amina, une jeune Algérienne mariée depuis peu à un Palestinien. L'entrée du tunnel se trouvait dans une maison de la ville de Rafah égyptienne, non loin de la frontière. Je n'oublierai jamais cette odeur de sable humide alors que je marchais, courbée vers l'avant, derrière un jeune passeur qui tentait de me tranquilliser alors que je ne comprenais pas du tout ce qu'il disait. Même si l'éclairage était bon, le passage m'a semblé très long. L'arrivée à l'autre bout du tunnel, environ 20 minutes après, en terre palestinienne, était un grand réconfort. Le passage a été organisé par la famille de mon mari qui m'a chaleureusement accueillie à la sortie du tunnel, dans une maison palestinienne. Mais ni mon mari ni personne d'autre n'ont accepté de me dire combien ils ont dépensé pour me faire passer. Maintenant, je suis très contente d'être ici même si les conditions de vie sont très pénibles. Je crois que je raconterai cette histoire à mes enfants…» Une histoire presque semblable nous a été racontée par Nehad, un jeune officier de la police de l'Autorité palestinienne chassée de la bande de Ghaza par le mouvement Hamas. «J'ai dû payer 1500 dollars au propriétaire du tunnel pour que ma femme puisse passer. La distance à parcourir était d'environ 700 mètres. Ma femme, une de mes cousines, a toujours vécu en Libye. Lorsqu'elle est arrivée en Egypte, le terminal était fermé. Nous n'étions pas encore officiellement mariés. Une fois qu'elle fut descendue dans la bouche du tunnel, du côté égyptien, les passeurs lui ont demandé de se coucher dans une sorte de tonneau en plastique coupé en deux sur sa hauteur, et attaché à une autre moitié dans laquelle une autre femme devait passer en même temps. Le mécanisme était tracté du côté palestinien par un treuil. Mais la femme qui voyageait a v e c mon épouse, âgée d'une quarantaine d'années était asthmatique. Durant son passage, avec l'étroitesse du tunnel, l'humidité et la mauvaise aération, elle a eu des difficultés respiratoires. Dès sa sortie, sa famille l'a emmenée directement à l'hôpital. Ma femme, quant a elle, était contente d'en sortir vivante. Et moi aussi, tellement on a vu et entendu parler d'accidents tragiques dans ces véritables tombes ! Aujourd'hui, ce n'est qu'une ancienne histoire, qui, j'en suis persuadé, ne se vit qu'à Ghaza.»