Le ministère de l'Enseignement supérieur n'a «aucun problème» avec les hospitalo-universitaires. C'est le ministre en personne qui le dit. Et pourtant, ce n'est pas la presse qui a inventé la grogne des enseignants hospitalo-universitaires qui s'exprime par la grève et le boycott des examens. Pas plus qu'elle n'a inventé les mouvements d'étudiants en médecine inquiets devant la perspective d'une année blanche. La cause du mouvement des hospitalo-universitaires est connue : la rémunération des activités de santé promise et non appliquée. Constat : les hospitalo-universitaires ont un « problème » avec le ministère de l'Enseignement supérieur, même si le ministre semble penser le contraire. Il est quand même étonnant d'observer combien est ancrée l'attitude qui consiste à nier le problème plutôt qu'à chercher à le résoudre. Maintenant que le Conseil national des enseignants du supérieur a annoncé une grève de quinze jours renouvelables à partir de la fin du mois, il faut espérer que les responsables du secteur ne vont pas persister dans la dénégation des « problèmes » avec les enseignants du supérieur. En se donnant un délai de quinze jours avant d'entamer la grève, le CNES laisse en définitive une marge pour la négociation que le ministère serait bien avisé de mettre à profit. En commençant par reconnaître - ce que tout le monde sait - qu'il existe de sérieuses difficultés à l'université. Le CNES n'exagère pas en évoquant une «situation catastrophique et alarmante» au sein de l'institution. Il y a, bien entendu, ce qui relève des intérêts socioprofessionnels des enseignants universitaires qui, on ne le soulignera jamais assez, sont moins bien lotis que leurs confrères marocains ou tunisiens. Mais il serait très réducteur de limiter le malaise de l'université aux revendications, légitimes, d'un revenu décent pour les enseignants universitaires et les chercheurs. La question revêt d'autres dimensions. Le président du CNES n'y est pas allé par quatre chemins en relevant que « l'absence de management et de perspectives dans la mise en place des réformes pédagogiques et de recherche a permis à la gabegie et au clientélisme de régner en maîtres dans l'ensemble de nos établissements universitaires ». Il s'agit de tares accablantes, inacceptables en général, mais qui sont d'une tragique acuité s'agissant de l'université. Si le discours sur le « patriotisme économique » doit avoir un sens, il ne peut occulter que la capacité à entrer dans la compétition internationale dépend de l'investissement dans le savoir. Des pays sans richesses fossiles se sont développés en investissant de manière sérieuse dans l'enseignement. Et il est évident que des enseignants universitaires mal rétribués ne feront pas une bonne université. On investit beaucoup, et souvent à raison, dans les infrastructures. Cet effort de «rattrapage» est tout autant nécessaire, sinon davantage, dans un secteur éducatif dégradé et carencé. Investir davantage dans la réhabilitation des infrastructures du savoir et la rémunération de ceux chargés de le diffuser est un choix salutaire. Ne pas en être convaincu, est le coeur du « problème » qu'on ne veut pas voir...