Pascal Boniface estime que «la menace terroriste» est surdimensionnée en Occident. Le chercheur français Pascal Boniface partage l'opinion de l'universitaire libanais Georges Corm. «Les enjeux sécuritaires masquent les enjeux sociaux», a-t-il déclaré jeudi, lors d'une conférence au Salon international du livre d'Alger (SILA) sur «le football et la mondialisation». Il répondait à une question relative à la relance de la machine de la peur à la veille de chaque rendez-vous international important. Dernier exemple : l'affaire des «colis piégés» à trois jours des élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Une mécanique qui semble avoir partiellement réussi avec la remise sur les rails des Républicains américains, les plus sensibles à la thèse néo-conservatrice. «On se demande si Ben Laden n'avait pas voulu faire réélire Bush W. en 2004 après avoir fait des menaces à la veille des élections présidentielles. Je ne nie pas que le terrorisme soit important. Mais, en dix ans, le monde occidental n'a connu que trois attentats : New York, Londres et Madrid. On se rend compte qu'on meurt plus en écrivant des SMS au volant qu'avec les attentats à l'explosif », a-t-il ajouté. Il a souligné que le terrorisme aujourd'hui apparaît comme une «menace permanente, invisible et totale». «Cela crée un climat d'insécurité différent d'une guerre classique où le front est défini. Là, le front antiterroriste n'est pas défini à l'avance. Je pense que dans les pays occidentaux on a surdimensionné la menace terroriste par rapport à la réalité. Sans la nier, il faut relativiser cette réalité en terme d'impact stratégique», a expliqué l'auteur de Les Leçons du 11 Septembre. Pour combattre le terrorisme, il faut, selon lui, s'intéresser aux effets et aux causes. Revenant au sport, Pascal Boniface, qui a publié au début de l'année Football et mondialisation, ne pense pas que le jeu de la balle ronde soit un facteur «d'endormissement» des sociétés. «Cette thèse est défendue par les sociologues antisportifs. Selon eux, le football est l'opium des peuples. Lorsque les équipes nationales gagnent, comme ce fut le cas pour l'équipe algérienne, les manifestations populaires de joie sont importantes. En Algérie, cela ne s'est pas vu depuis l'indépendance du pays», a observé le conférencier. La foule du football n'est, selon lui, pas contrôlable. «Les moments de joie qui peuvent booster la popularité du pouvoir sont éphémères. Les amateurs de football restent des citoyens», a-t-il dit. Il a relevé que même dans les pays où les manifestations de rue sont interdites (comme c'est encore le cas en Algérie), les stades sont épargnés. Il a cité l'exemple du dictateur espagnol Franco qui, une fois au pouvoir, s'est attaqué, entre autres, à la Fédération anarchiste et au Football club de Barcelone. «Pendant longtemps, on ne parlait catalan que dans les travées de la Barça. Endroit où on pouvait huer le général Franco», a-t-il noté. Pascal Boniface n'est pas gêné par le fait que des Français d'origine algérienne supportent l'équipe nationale de football. «Je sais qu'ils supportent également l'équipe de France sauf dans le cas d'une rencontre avec la sélection algérienne. J'ai constaté lors d'un match entre la France et l'Espagne que des Français supportaient l'équipe espagnole. Idem lors d'une rencontre entre la France et le Portugal. Les gens ont une double identité. Parfois, l'origine revient. Alors pour le cas des Maghrébins, on voit un attachement à la patrie d'origine, mais on a trouvé tout à fait normal que les Espagnols ou les Portugais supportent les équipes de leurs pays d'origine», a-t-il remarqué. Ce type de réflexion en dit long, selon lui, sur le racisme antimaghrébin en France.