l'immigration en France et ailleurs ; les replis communautaires ; la xénophobie et l'exploitation au travail ; le racisme comme principe d'identité ; l'intégration et le communautarisme ; l'accession au logement social ; la définition et la représentation des ethnies ; le logement à l'épreuve de l'ethnique ; de la discrimination positive comme politique de lutte contre les ségrégations : autant de thèmes d'actualité qui méritent attention et suscitent recherches et production littéraire, parfois trop spécialisées et souvent dispersées. Rabia Bekkar, socio-anthropologue, maître de conférences à l'université de Paris X-Nanterre (France), a réussi à regrouper une grande majorité de ces thématiques dans l'ouvrage qu'elle a dirigé, intitulé Ethnicité et lien social(1). Au moment où les émeutes dans les banlieues parisiennes nous rappellent que beaucoup de choses restent à faire pour que le modèle républicain d'intégration (français), aujourd'hui en crise, soit repensé, elle nous permet de mieux comprendre les liens entre les politiques publiques relatives au logement et la question de l'ethnicité. Ce livre se veut un recueil des travaux de chercheurs, mais aussi des expériences des professionnels. Par leurs interventions, différentes et complémentaires, les auteurs nous donnent les outils et matériaux pour mieux appréhender les phénomènes de ségrégation et d'agrégation, en mettant la question de l'appartenance ethnique au premier plan. Ainsi, la construction sociale et politique de l'ethnicité se trouve au cœur des analyses proposées. En effet « ségrégation et discrimination ethnique se combinent au point qu'il est difficile de distinguer ce qui relève des processus sociaux de séparation et d'affectation des groupes dans les espaces de ce qui est inhérent à la discrimination ethnoculturelle. Ces interactions participent à des phénomènes d'exclusion et de marginalisation des individus et des groupes sociaux. Elles posent le problème de leur traitement par les politiques sociales et les politiques de l'habitat. Elles traduisent aussi les limites du modèle français de citoyenneté, et la gestion des inégalités dans les débats récents sur le voile ne sont qu'un symptôme supplémentaire ». De plus, de la figure de l'étranger à la mise à mal de la mixité sociale, de l'agrégation souhaitée à la ségrégation imposée comme résultat de la politique du logement, différents exemples sont analysés et montrent comment le lien social peut se trouver de ce fait ethnicisé. Or, si les immigrés ont d'abord été considérés juste comme une force de travail, flexible et corvéable à merci, ils sont devenus une composante importante de la population. Confrontés à la xénophobie, à l'exploitation au travail et à la ségrégation dans l'accès au logement, ils ont lutté pour que leur dignité soit préservée et que leurs cultures perdurent chez leurs enfants, citoyens français. Ceux-ci aspirent à une reconnaissance d'identités ethnico-religieuses dans un contexte d'appartenances multiples. Ce qui n'a pas toujours été aussi simple. La discrimination positive (dupliquée sur l'affirmative action américaine, initiée dans les années 1960) est une des politiques choisies pour modifier de manière notable la ségrégation vis-à-vis des minorités, surtout en ce qui concerne l'accès à l'enseignement supérieur et à l'emploi. En travaillant sur ce thème pendant son séjour aux USA, Rabia Bekkar nous permet de pénétrer dans la complexité de cette politique très controversée. Elle tient à souligner que « l'exemple de l'hyper-ségrégation spatiale avérée de ces populations et ses conséquences sociales semble montrer que, sans politique volontaire et donc publique, il sera difficile d'offrir à tous des opportunités de mobilité sociales et spatiales comparables ». Et dans leurs plaidoyers, les auteurs de ce livre rejoignent d'une manière implicite Pierre Bourdieu et Jean Pierre Alaux qui, en 1995, écrivaient qu'« il faudra repenser la question du statut social de l'étranger dans les démocraties modernes ». Quand malheureusement, on constate que dix ans plus tard, les banlieues brûlent en France, cela veut tout simplement dire que beaucoup de chemin reste encore à faire. Ethnicité et lien social (1), préfacé par l'éminent professeur Jean Rémy, est un livre indispensable pour mieux comprendre le fonctionnement des groupes sociaux distincts qui communiquent à travers différents types d'enjeux (culture, travail, éducation, résidence) dans la ville, mais aussi un livre qui permettra sûrement d'aider à repenser la gestion de ces groupes sociaux dans la ville en France. (1) Bekkar Rabia (textes réunis par, Ethnicité et lien social, éd. L'Harmattan, Paris, 2005)