A la fois peintre, plasticien, caricaturiste et dessinateur de BD, Didier Viode est un artiste béninois engagé, à l'humour grinçant et au crayon prolifique. Rencontré en octobre dernier à l'occasion de la tenue de la 3e édition du Festival international de la bande dessinée à Alger, cet orfèvre de la BD revient sur ses débuts et sur sa vie professionnelle actuelle. -C'est la deuxième fois que vous venez en Algérie pour participer, cette fois-ci, à la tenue de la 3e édition du Festival international de la bande dessinée… J'ai participé, il y a deux ans, à un projet autour du théâtre de l'émigration. C'est suite à ce projet que le FIBDA m'a invité cette année. Lors de la tenue du 2e Festival panafricain d'Alger, en juillet dernier, je n'étais pas présent physiquement, mais mon travail y était dans le grand collectif du conte africain. Je suis satisfait de cette visite en Algérie. Je pense que l'Algérie a besoin de s'ouvrir vers l'extérieur. La culture reste un moyen de communication efficace qui permet de rassembler les gens. Que l'on soit d'ici ou d'ailleurs, la bande dessinée arrive à le faire. Je suis persuadé que la culture est un vecteur important de la communication. -A quand remontent vos débuts dans la bande dessinée ? Comme beaucoup d'enfants, j'ai découvert la bande dessinée à l'école primaire. Par la suite, c'est devenu une passion dévorante tout au long de ma scolarisation qui s'est déroulée, pour le primaire, à Abidjan et pour mon cycle secondaire au Bénin. Mis à part mon père qui est dans l'artisanat, aucun membre de ma famille n'avait des affinités avec l'univers des arts. Après avoir obtenu mon bac à Cotonou, je me suis inscrit au concours d'entrée à l'Ecole des beaux-arts d'Abidjan, (l'INSAAC). Il n'existe pas d'école d'art au Bénin. Les intéressés potentiels peuvent se former dans les ateliers d'artistes locaux, à l'étranger ou en autodidacte. Il faut dire que j'ai toujours cultivé cette passion pour la bande dessinée. J'ai rejoint l'Ecole des beaux-arts de Besançon et ce, afin de compléter ma formation. La bande dessinée se doit d'être accessible à tout le monde. C'est l'un des facteurs intéressants d'expression. En quatrième année, j'ai expérimenté d'autres techniques, puisque je me suis lancé dans l'illustration et la bande dessinée. La peinture a toujours été mon travail de prédilection. Il est à noter que j'ai obtenu le prix Comics Africa pour les planches de Visa rejeté, une BD que j'ai présentée au concours organisé par Africa e Mediterraneo, en Italie. -Est-il facile de concilier votre métier de plasticien à celui de bédéiste ? Il est évident que ce n'est pas facile de concilier mes deux passions, en l'occurrence la peinture et la bande dessinée. Ce qui est intéressant aujourd'hui avec la bande dessinée, c'est qu'il y a beaucoup de dessinateurs qui essayent de s'écarter de la bande dessinée classique, en l'occurrence de l'école belge. Ils se lancent dans la bande dessinée contemporaine. Je pense que la BD créative peut se concilier avec l'art contemporain. Les deux disciplines peuvent fonctionner à merveille. -Après avoir publié à compte d'auteur, en 2008, votre premier album intitulé Etranger sans rendez-vous, comptez-vous publier d'autres séries traitant de la situation des immigrés en France ? Etranger sans rendez-vous est une halte dans les préfectures en France. Les guichets étrangers sans rendez-vous, il y a le guichet étranger avec rendez-vous, ensuite le guichet naturalisation. Je suis quelque part dans une dénonciation pas gratuite. J'ai l'intention de poursuivre dans cette même ligne en éditant prochainement trois tomes d'Etranger avec rendez-vous. Je vais boucler avec Naturalisation. Il y a beaucoup de choses à raconter avec cet immigré qui vit en France. -Est-il facile de vivre de son art ? C'est une question qui revient souvent. Evidemment, c'est compliqué de vivre de son art. La plupart des auteurs qui font de la bande dessinée ne vivent pas seulement de cela. Nous autres artistes faisons plusieurs choses à côté pour pouvoir résister. Maintenant, si on peut vivre de la bande dessinée, c'est le jackpot. Ce n'est pas mon cas aujourd'hui. Etant plasticien, je fais des expositions de peinture, donc j'expose assez régulièrement dans des galeries. J'ai compris très vite que vivre de son art, même en France, n'est pas chose aisée. C'est un combat au quotidien. Le monde de l'art contemporain et l'univers de la bande dessinée découlent d'un monde de réseaux. Quand on n'est pas affilié à un réseau, c'est tout bonnement la galère assurée.