L'Association des agences de tourisme de Tamanrasset interpelle le président de la République sur «les conséquences fâcheuses» du nouveau décret régissant son activité sur le tourisme saharien. Tamanrasset. De notre envoyée spéciale Regroupées en association, les agences de tourisme de Tamanrasset viennent de saisir par écrit le premier magistrat du pays sur «les fâcheuses conséquences» du décret portant organisation de leur activité promulgué en juillet dernier. Dans une lettre signée par son président, Ahmed Hamdaoui, dont une copie nous a été transmise à Tamanrasset, l'association tire la sonnette d'alarme et appelle le premier responsable du pays à protéger le gagne-pain des opérateurs de la région du Sud, menacé par les nouvelles dispositions du décret signé par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et publié le 14 juillet dernier. «Nous vous demandons de nous protéger contre les fâcheuses conséquences qu'il (le décret) nous fera subir s'il venait à être appliqué et d'abroger la loi d'où il découle» parce que «devenue totalement obsolète». Pour le président de l'association, M. Hamdaoui, «le décret n'a d'autre objectif que celui de nous anéantir en effaçant d'un trait de plume plusieurs décennies d'incalculables efforts de quelques vaillants autochtones, partis d'absolument rien et qui ont réussi à bâtir un rempart les protégeant ainsi que les leurs de la précarité et du désœuvrement (…). En abrogeant le décret, vous protégerez la partie la plus vulnérable des populations du Grand Sud, mais aussi le joyau du produit touristique et culturel de notre pays». M. Hamdaoui insiste sur l'«inestimable capital confiance et stabilité sociale des jeunes et des moins jeunes» qu'a engendré l'activité touristique au Sahara. Ayant pour vecteur principal l'agence de tourisme et de voyages, cette activité «relance» chaque saison «l'économie locale» qui profite à «toute la souche active» de la région. «En matière de création d'emplois, grand nombre des employés de nos agences sont recrutés parmi la population locale la plus vulnérable, c'est-à-dire des personnes ne sachant ni lire ni écrire mais qui maîtrisent parfaitement le travail de guide du désert, de chamelier, de cuisinier de bivouac, des connaisseurs du terrain», note le président de l'association des agences de voyages de Tamanrasset. M. Hamdaoui rappelle au chef de l'Etat son statut de «précurseur» du tourisme saharien de grands espaces, que l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) «a baptisé lors de ses assises ouvertes» à Tamanrasset, en décembre 1989, «tourisme alternatif intelligent responsable». «A cette époque, l'OMT, qui était à la recherche d'une alternative au tourisme de masse, trouva en cette forme de tourisme de grands espaces qui lui convient parfaitement car elle met en valeur un nouveau produit permettant un développement durable, directement bénéfique aux populations locales, socialement responsable et respectueux de l'environnement», lit-on dans la lettre. A signaler que ce décret décrié par les professionnels du tourisme saharien est intervenu au moment où ces derniers faisaient face à des interdictions touchant des circuits touristiques qu'ils qualifient d'importants pour leur activité. La fermeture de la route Tamanrasset-Djanet et du Tassili pour des raisons «sécuritaires», ainsi que les annulations des vols charters du tour opérateur Point Afrique après les récents enlèvements de ressortissants occidentaux au Niger, ont assené le coup de grâce aux agences de tourisme de la région, qui ont vu la saison actuelle tuée dans l'œuf. Pourtant, l'activité a connu ces dernières années une hausse progressive considérable en dépit d'une exploitation infime des potentialités touristiques locales. Cependant, de l'avis des connaisseurs de cette région, ces mesures de sécurité «n'obéissent à aucune logique si ce n'est celle de stopper l'élan du développement embryonnaire de la région». Mais au moment où les contacts avec les autorités sécuritaires et politiques se poursuivaient dans l'espoir de lever les interdictions, le gouvernement a créé la surprise en promulguant le décret portant organisation de l'activité des agences de voyages du sud du pays, qui selon les concernés, «vient tuer dans l'œuf» tout élan de développement du tourisme saharien. Les nombreuses assemblées générales et les entrevues avec le ministre du Tourisme n'ont cependant rien apporté depuis le 14 juillet dernier, date de la publication du texte. Si les agences du nord du pays ont décidé de ne pas l'appliquer, celles du Sud préfèrent utiliser toutes les voies pour arriver à «le geler», d'autant que la saison actuelle est malheureusement déclarée blanche du fait des nombreuses défections pour raisons sécuritaires. Une situation inquiétante qui pénalise lourdement la région et qui appelle à une intervention des plus hautes autorités chargées du secteur du tourisme.