L'Algérie est probablement le seul pays au monde où la majorité des salles de cinéma dépendent encore, à travers les communes, du ministère de l'Intérieur. Des salles fermées pour la plupart en raison d'une gestion moyenâgeuse de l'espace culturel public. Le ministère de la Culture veut récupérer ces salles pour les réhabiliter et les céder, sous cahier des charges, à des jeunes. Une manière de créer de l'emploi et de redynamiser l'activité cinématographique. L'idée n'est pas mauvaise, car il faut bien trouver une solution à ce patrimoine national qui se perd dans l'anonymat. Le département de Daho Ould Kablia ne veut visiblement pas céder sur cette question pour des raisons inconnues. Le 7e art fait-il à ce point peur à des décideurs qui appartiennent déjà à une autre époque ? Le ministère de l'Intérieur, qui ne fait rien pour sauver les communes et les wilayas du naufrage bureaucratique, empêche le débat libre dans le pays depuis des années. Faut-il alors qu'«il interdise» au public algérien d'aller voir des films en maintenant les salles fermées ? Il y a déjà presque une génération qui n'a connu que le petit écran, télévision, VCD et DVD, et qui ne connaît pas la magie du grand écran ou des films en 35 mm. Le pays doit déjà s'adapter à l'âge numérique en sautant une étape. Il n'est pas normal que des films sortent et que le public ne les voit pas. Tout le monde a suivi la polémique, engagée ailleurs, sur le long métrage de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi, mais peu d'Algériens l'ont vu. Et, il n'est pas juste aussi que Harry Potter et les reliques de la mort, qui vient de sortir sur les écrans européens, ne soit projeté qu'à Alger. Les jeunes d'Adrar, de Tissemsilt ou de Tébessa n'ont-ils pas également le droit de découvrir cette fiction ? Les cinémathèques, qui ont presque perdu les moyens de conserver les films, n'organisent plus de débats sur les films. Le Festival du court métrage de Taghit a curieusement disparu, alors que le Festival du film arabe d'Oran n'arrive pas à trouver une date fixe dans l'agenda. Les Journées cinématographiques méditerranéennes de Annaba et le Panorama de Constantine font partie désormais du lointain souvenir, alors qu'il n'existe aucune raison de reprendre ces manifestations. Le mini-débat qui semble s'installer sur le projet de loi relative à la cinématographie, en examen à l'APN, et qui abroge une ordonnance poussiéreuse qui remonte à 1967, risque d'être vidé par la méfiance et passer à côté de l'essentiel. L'Algérie ne peut pas engager 286 milliards de dollars dans un immense plan de développement et négliger ses arts et ses lettres. Et promouvoir la culture ne peut se faire sans argent et sans liberté. A ce propos, le gouvernement ne peut pas choisir la thématique des films. Pourtant, le projet de loi est porteur d'un article scandaleux. «La production des films relatifs à la guerre de Libération nationale et à ses symboles est soumise à l'approbation préalable du gouvernement», est-il mentionné dans l'article 5. Maintenir cette disposition équivaut à donner la preuve irréfutable de l'existence d'une Histoire officielle en Algérie.