Les étourneaux sansonnets hivernent en Algérie. Et lorsqu'ils occupent des espaces comme le Jardin d'essai ce, n'est que pour y dormir. Votre voiture est noircie par des déjections ? Vous avez remarqué les odeurs nauséabondes dans les parcs et les jardins ? Et oui, les étourneaux sont de retour en Algérie. Depuis octobre, ils sillonnent le ciel et sont reconnaissables par les bandes noires qui évoluent de façon saccadées mais organisées. Accusés de porter atteinte à l'environnement, les étourneaux ont très mauvaise réputation. En Algérie, ils pourraient être utiles… L'allée des ficus du Jardin d'essai à Alger s'est recouverte d'une couche de deux centimètres d'excréments d'étourneaux, la chaussée est devenue glissante et la marche en devient dangereuse. Les bancs de granito sont aussi recouverts de ces crottes d'oiseaux. Taches noires à l'odeur pestilentielle, les déjections des passereaux laissent planer dans l'allée une odeur de poulailler. Les arbres aux racines aériennes sont recouverts. Les acanthes qui ont sorti leurs larges feuilles vertes et brillantes sont cramoisies par ces billes noires. Des agents d'entretien du jardin viennent de finir de nettoyer un banc de granito. «Au karcher», précise A. Ziriat, directeur du Jardin d'essai. Cela ne se voit pas, le banc est encore plein de ces salissures. «Il faut opter pour des bancs en fonte, les crottes ne tiennent pas dessus», ajoute le directeur. Les couloirs aménagés pour l'écoulement des eaux de pluie sont remplis d'un liquide noir : l'eau s'est mélangée aux fèces. L'odeur est tenace malgré la fraîcheur matinale. Bizarrement, la statue de Ouled Naïl n'est pas trop touchée. Quelques brachages font barrière. «Il y a trois ans, un canon nous avait été prêté par les services de protection des végétaux. On a tiré trois coups et ils sont partis. Mais ils sont revenus le lendemain», raconte A. Ziriat. Les branches des ficus ont la particularité de pousser loin du tronc et de s'étendre. Pour progresser, l'arbre soutient ses branches par les racines aériennes, mais lorsque les racines ne sont pas encore solides, les branches cassent sous le poids des étourneaux. Car des étourneaux, il y en a des centaines de milliers au Jardin d'essai. «Peut-être plus d'un million», déclare Akli Slyemi, animateur en ornithologie à l'école de l'environnement du jardin. Mais pour ce passionné d'oiseaux, la présence des étourneaux est une bénédiction. La fin des insectes «C'est vrai qu'il y a des excréments partout et qu'ils font du bruit, c'est vrai qu'ils cassent des branches, mais à côté de tous les avantages qu'ils donnent à la nature, il faut au contraire défendre leur présence en Algérie», défend A. Slyemi. «D'ailleurs, si la branche casse, c'est qu'elle devait casser, et vu que les étourneaux élisent domicile au jardin la nuit, la branche ne risque de tomber que le soir, lorsque les visiteurs sont absents», déclare en substance l'animateur. Les étourneaux sansonnets hivernent en Algérie. Dans toute l'Algérie. Ces oiseaux de 21 cm ne nichent pas ici, et lorsqu'ils occupent des espaces comme le Jardin d'essai, ce n'est que pour dormir. La journée, dès 6h30 du matin, les oiseaux partent pour manger dans les campagnes avoisinantes. Ils rentrent vers 16h30 par petits groupes au début puis par nuages entiers. Dans leur vol chaotique et vu leur nombre, certains meurent écrasés dans la bousculade. Une famille d'étourneaux mange jusqu'à 350 insectes par jour. En Russie, par exemple, des nichoirs sont aménagés dans les forêts pour attirer les étourneaux susceptibles de venir manger dans les campagnes avoisinantes. Le but est de se débarrasser d'une prolifération importante d'insectes. Mieux, ces fientes montrées du doigt seraient un important engrais. «Le pouvoir germinatif des graines mangées par l'oiseau serait augmenté dès lors que la graine passe par le tube digestif de l'oiseau», soutient A. Slyemi. Le jeune homme maintient qu'il faut cesser de prétendre que cet oiseau est nuisible et qu'au contraire, il faut apprécier tous les avantages qu'il procure à la nature. «S'il est tué dans certaines régions de la planète, c'est d'abord parce qu'il est nicheur là-bas. La chasse de cet oiseau est réglementée aux Etats-Unis et au Canada. En Algérie, il n'est là qu'un temps et procure de l'engrais à nos campagnes et nos forêts. Il mange des quantités d'insectes nuisibles. Le plus nuisible, donc, ce n'est pas l'étourneau», insiste A. Slyemi. Et de proposer de faire comme en Russie : exploiter le sansonnet pour lutter contre le criquet par exemple, qui peut faire des ravages sur des productions. De son côté, A. Ziriat, directeur du jardin, soucieux de préserver les végétaux centenaires en bon état, envisage d'introduire des rapaces dressés. Grand prédateur des étourneaux, cela diminuerait leur nombre en quantité. Mais il est difficile de trouver des dresseurs en Algérie. Reste peut-être une machine qui imiterait le bruit des rapaces. «Elle coûte environ 40 millions de centimes», selon le directeur.