La fièvre du clasico espagnol, FC Barcelone -Real Madrid, vu par des centaines de millions de citoyens du globe, a atteint aussi le peuple palestinien. Ghaza De notre correspondant Dans tous les Territoires palestiniens, aussi bien à Ghaza qu'en Cisjordanie occupée, la soirée de lundi 29 novembre était bien spéciale. A vrai dire, elle n'a pas ressemblé aux autres, sauf, peut- être, celle où s'est joué un certain Algérie-Egypte à Oum Dormane. Cette fois, l'espace d'un soir, les Ghazaouis, ainsi que le reste des Palestiniens, jeunes, personnes âgées, hommes et femmes, ont vécu dans un enthousiasme particulier, le classico, un match de football qui a opposé, dans un pays qui semble très, très loin de ce coin du monde connu pour ses turbulences politiques et sécuritaires, Barcelone au Real Madrid, deux équipes qui ont des centaines de milliers de fans. Bien avant le début du match, comme par magie, la division, le blocus, l'occupation, l'impasse au niveau du processus de paix, le chômage, la pauvreté et tout ce qui préoccupe quotidiennement la rue palestinienne a laissé place à des discussions, parfois partisanes, dont seuls les Palestiniens sont capables.En fait, Barcelone et le Real Madrid, à la manière du Fatah et du Hamas ont réussi, eux aussi, à les diviser, mais cette fois dans une ambiance bon enfant qui a semblé leur faire beaucoup de bien. Selon des citoyens d'un certain âge, jamais un match de football n'a provoqué un tel engouement populaire. A Ghaza, ainsi que dans toutes les villes, villages et camps de réfugiés, des heures avant le début de la rencontre, les cafés et les restaurants affichaient complet. Dans ces lieux, la fumée du narguilé, aux très nombreux adeptes, était presque étouffante. Emblèmes, maillots, derbouka et chants improvisés par les supporters des deux équipes ont électrisé l'ambiance bien avant le coup d'envoi. Saïd, un retraité de 60 ans, qui a l'habitude de venir assister aux matchs de la Liga espagnole dans un café du quartier Ennasr, à l'ouest de Ghaza-Ville, nous a dit : «D'habitude je viens dans ce café pour voir les matchs du Real Madrid, mon équipe préférée, mais, aujourd'hui, aucune chaise n'est libre, malgré les dizaines d'autres que le propriétaire a louées pour cette occasion. Je crois que je vais aller au restaurant Eddira, j'aurai plus de chance de trouver une chaise même si cela me coûte trois fois plus que ce que j'aurai payé ici. Mais c'est un match à ne pas rater». Selon des témoins, dans certains endroits huppés, restaurants inaccessibles pour la majorité de la population à cause des prix élevés, notamment le restaurant Eddira situé près du port de pêche de Ghaza- Ville, les femmes étaient majoritaires. En famille surtout, la présence des jeunes filles portant les maillots et les emblèmes de leur équipe favorite, a marqué cette soirée surtout dans la ville de Ghaza, où la population est connue pour son conservatisme parfois exagéré. A la fin du match, la nette victoire de Barcelone a fait beaucoup d'heureux mais aussi beaucoup de malheureux. A Ghaza, perturbant le silence de la nuit par leurs klaxons, des voitures parées de l'emblème de Barcelone ont parcouru les rues de la ville. Une heure après la fin de cette mémorable partie de football, les rues sont redevenues désertes. Le lendemain est un autre jour, il ne sera en rien comparable à ce qui a été vécu grâce à cette magie dont seul le football est capable. Après s'être bien défoulés, les Palestiniens reviendront à leur rude quotidien.