Après avoir observé une journée de grève, mardi, à la gare routière du Caroubier à Alger, l'Union nationale algérienne des transporteurs (Unat) reste insatisfaite face au «refus du dialogue affiché par la Société d'exploitation de la gare routière d'Alger (Sogral)». De son côté, la direction de la Sogral maintient les dernières décisions contestées par les protestataires. Le bras de fer continue. Mohamed Benkahla. Vice-président de l'Unat à la gare routière du Caroubier : «Les problèmes des transporteurs sont minimisés par la Sogral». -La grève a-t-elle eu l'impact souhaité ? Nous avons observé une journée de débrayage tranquillement pour manifester notre mécontentement quant à la gestion de la gare routière. Je précise que les transporteurs ne sont pas les seuls à avoir pris part à cette grève. Les chauffeurs de taxi et les commerçants exerçant à la gare routière ont également adhéré à notre action. De son côté, la direction de la Sogral a amené des cars pour casser le mouvement de débrayage et dissuader les transporteurs, mais ces derniers ont tenu leur engagement et le taux de suivi de la grève de 90% ne fait que le confirmer. -Quelles sont les revendications des grévistes ? Nous dénonçons, à travers cette action, les augmentations arbitraires des différentes charges et tarifs appliquées par la Sogral. Indépendamment des 40 DA ajoutés au prix de l'exploitation du quai d'embarquement, nous exigeons des responsables concernés l'annulation de la taxe de 7% relative à la réservation et l'annulation des pénalités sur le stationnement et la baisse de la taxe concernant le droit de stationnement estimée actuellement à 40 DA. La Sogral fait fi du décret n° 4- 417 relatif à l'article 17 stipulant que toute tarification doit être faite en présence des syndicats des transporteurs, des gestionnaires et de la tutelle, notamment les ministères des Transports et du Commerce. Chose que la direction n'a jamais respectée. Les décisions nous parviennent après les avoir mises en place, sans concertation ni négociation, alors que cette société n'est qu'un partenaire. Autre dépassement flagrant : la société en question inclut la TVA (7% du bénéfice) aux charges des transporteurs, alors que c'est à la direction même d'assumer cette taxe. A ce titre, nous réclamons le versement de toutes les commissions encaissées abusivement. -Pourquoi avoir attendu jusqu'au mois de novembre pour protester contre une mesure effective depuis janvier 2010 ? Nous n'avons pas attendu sans rien faire. Nous avons adressé plusieurs demandes d'audience à la direction qui sont restées lettre morte. Ce n'est que la veille de la grève que la direction a répondu à nos sollicitations sur instruction du directeur du Transport de la wilaya. En revanche, la réunion n'a abouti à aucun compromis. En tant que partenaire, la Sogral perçoit 1243 DA pour chaque stationnement de bus d'un quart d'heure. J'estime que c'est déjà beaucoup. -Les commerçants se plaignent également… La Sogral a opté pour l'augmentation unilatérale du loyer des locaux de commerce de la gare routière. Le mètre carré qui coûtait 650 DA est passé à 1500 DA du jour au lendemain, sans même qu'on soit avisés. Pis encore, la Sogral n'est chargée que de la gestion des murs qui appartiennent au domaine maritime. On veut imposer les prix de l'aéroport, alors que les commerçants de la gare n'ont pas la même clientèle que celle de l'aéroport. A la gare, on reçoit des citoyens modestes qui ne peuvent pas se permettre de payer tout en double : nourriture, sanitaires, parking... La Sogral a prolongé une convention qui devrait expirer le 31 décembre 2011, sans nous consulter ni tenir compte des conséquences. Ces procédés me mènent à dire que la Sogral a altéré la notion du service public de la gare routière, en mettant en priorité l'aspect commercial et les intérêts personnels, car si on augmente les tarifs, ce sont les usagers qui assument les charges. -Vos revendications ne sont pas près d'être satisfaites... Que comptez-vous faire ? Nous sommes ouverts à tout dialogue. La balle est dans le camp de la Sogral. Elle doit d'abord indemniser les transporteurs, s'abstenir de prendre des mesures de sanction et de se substituer aux prérogatives des pouvoirs publics. Ce que nous prévoyons de faire dépendra de la position de la Sogral et de celle des pouvoirs publics. Si on n'arrive pas à trouver un terrain d'entente, on prendra les mesures qui s'imposent.
************************************************** Mohamed Maloufi. Directeur de l'exploitation de la Sogral : «Les revendications des grévistes ne sont pas justifiées».
-Les revendications des transporteurs, des chauffeurs de taxi et des commerçants sont-elles légitimes ? Avant de répondre à cette question, je tiens à préciser que la mission de la Sogral consiste à la gestion et l'exploitation de la gare routière. Récemment, nous avons reçu, de la part de l'Unat, un message faisant part d'une menace de grève motivée par certains points dont la TVA, le prix de l'exploitation des quais et l'absence du dialogue. Et pour commencer, j'ai invité les représentants des différents syndicats au dialogue qui a toujours existé entre la direction générale de la Sogral et les représentants de l'Unat. Mais ce dialogue a été rompu depuis le décès de l'ancien président de l'Unat au mois de mai dernier. Ce dernier était un professionnel du transport contrairement aux membres du nouveau bureau de l'Union qui n'ont pas trouvé mieux que d'adresser à la Sogral et aux pouvoirs publics des déclarations acerbes à travers les médias. Ils ont annoncé la couleur dès leur installation. Cela met la lumière sur les soubassements qui existent derrière ces machinations. D'ailleurs, leurs revendications ne sont pas justifiées. -Du côté des protestataires, on insiste sur votre mutisme… Ceux qui vous disent ça n'ont jamais demandé à nous voir. Les revendications portent sur la TVA. Ce problème a été posé en 2005 et a été résolu durant la même année, à la demande de l'Unat. La Sogral ne fait qu'appliquer la décision de la direction générale des impôts. La TVA est versée systématiquement à l'Etat. L'augmentation de l'exploitation des quais a eu lieu en janvier 2010. Elle a été acceptée et payée par tous les transporteurs jusqu'à octobre 2010. Cette augmentation se justifie par une révision modeste des tarifs variant entre 5 DA et 40 DA, selon les lignes. Avant 2004, elle était de 215 DA pour passer en 2004 à 240 DA, puis elle est restée stable jusqu'à 2009 où elle est passée à 280 DA. Ce qui n'est pas énorme ! La tarification de 2004 est restée maintenue jusqu'à 2009, pourquoi s'y opposer aujourd'hui ? -L'Unat affirme que vous avez fait appel à des transporteurs publics et privés pour casser la grève… Rien que dans le choix du jour de la grève, on constate que les intentions des contestataires ne sont pas honnêtes. Ils ont choisi de tout paralyser un mardi, journée à faible affluence. Car leurs bénéfices sont en jeu. Mais même avec la campagne de déstabilisation de la gare, nous avons enregistré 9000 voyageurs sur les 13 000 habituels. La baisse du taux de voyageurs revient à l'annonce du débrayage de l'Unat et non pas à l'adhésion des différents opérateurs. -Que pensez-vous des exigences des commerçants ? Le décret de la création d'une gare routière stipule que le gestionnaire doit améliorer les activités annexéess à la gare. Avec le temps, tous les commerçants (cordonniers, buralistes…) se sont convertis en petits fast-food, ce qui est un commerce rentable. Comment osent-ils alors contester l'augmentation du loyer des locaux ? J'ai honte de dire qu'on leur cédait le mètre carré à 650 DA, soit environ 12 000 DA/mois. Je défie quiconque de me trouver un local à ce prix dans la capitale. 1500 DA, ce n'est rien par rapport au prix du marché. Ailleurs, le mètre carré est à 9000 DA. Je tiens à adapter les tarifs à la conjoncture économique. -Les rentrées d'argent de la Sogral se sont donc accrues. Où va cet argent ? Une partie de cet argent me revient sous forme de salaire ! Une autre partie sert à financer les investissements ayant trait à l'amélioration des conditions d'accueil et de voyage des usagers, à effectuer des travaux de bétonnage, à refaire la structure, à aménager les quais et à adapter un système européen avec un abonnement des clients avec une carte magnétique, afin de concurrencer les autres transports dont les trains et les taxis. Nous avons besoin également de renforcer la sécurité avec des caméras de surveillance.