Le directeur de l'Observatoire des pays arabes à Paris, Antoine Basbous, soutient l'idée que les révélations faites par WikiLeaks ouvrent une ère de grande tension au Moyen-Orient. «Tous les dirigeants qui ont évoqué le problème iranien avec des mots un peu crus vont se retrouver en délicatesse avec Téhéran. La suspicion entre diplomates va s'accroître parce que la méfiance de tous les pays arabes envers l'Iran est désormais publique, officielle, flagrante», a-t-il estimé dans un entretien accordé, la semaine dernière, au quotidien français le Parisien. Pour Antoine Basbous, la déclaration d'un ministre qatarie reprise par WikiLeaks («L'Iran nous ment, nous lui mentons», ndlr) symbolise et dévoile la réalité de la région. «Avec WikiLeaks, une ère de grande tension s'ouvre au Moyen-Orient, d'autant que très peu de documents ont pour l'instant été publiés. La situation pourrait se tendre encore, en fonction de l'ampleur des révélations», prévient encore le directeur de l'Observatoire des pays arabes à Paris. Dans l'immédiat, Antoine Besbous pense que la tension pourrait devenir plus vive entre Téhéran et Riyad «où le roi Abdallah a expliqué qu'il souhaitait voir les Etats-Unis ‘'couper la tête du serpent'' en attaquant l'Iran». La raison ? Le chercheur explique que «le régime de Mahmoud Ahmadinejad dispose là-bas du soutien de minorités chiite et ismaélienne installées en Arabie Saoudite». Ces groupes, poursuit-il, pourraient manifester leur mécontentement. Cela peut être le cas, précise Antoine Basbous, des Houthis, une minorité chiite présente au Yémen et proche du régime iranien, sur le même modèle que le Hizbollah libanais, qui pourraient tenter une nouvelle action contre le territoire saoudien, comme ils l'avaient fait en novembre 2009 pendant trois mois. En clair, l'Iran pourrait s'offrir des moyens de pression à travers les groupes qu'il finance et militarise, y compris en instrumentalisant les cellules d'Al Qaîda installées au Yémen. Quid des Américains dans tout cela ? M. Basbous s'est montré persuadé qu'à l'avenir, «les diplomates arabes ne parleront plus de la même façon avec les Américains». «Qui osera encore se ‘'confesser'' à cœur ouvert, alors qu'ils ne sont pas capables de protéger leur cyber-espace ? Il y avait déjà une méfiance, après la guerre irakienne et la crise économique qu'ils ont provoquée, mais là, je ne sais pas combien de temps cette crise va durer ! Les Etats-Unis vont devoir offrir des garanties de confidentialité à leurs interlocuteurs à travers le monde pour regagner leur confiance. Cela peut prendre des années», conclut-il.