En Algérie, 4 consommateurs de drogue injectable sur 10 utilisent des seringues non stérilisées. Ils sont 5 sur 10 en Egypte et au Maroc, et 6 sur 10 au Liban. Rabat (Maroc). De notre envoyé spécial Ces statistiques ont été révélées par les représentants de Menahra – Association de réduction des risques dans la région du MENA (Moyen-Orient et Nord-Africain) – lors d'un séminaire de formation des médias qu'elle a organisé le 4 décembre à Rabat (Maroc). L'objectif assigné à cette rencontre est la sensibilisation des journalistes des pays nord-africains (Algérie, Tunisie, Maroc et Libye) à la problématique de l'usage de drogues injectables et des risques liés à cet usage, notamment la contamination au VIH/sida. Selon les animateurs de ce séminaire : «Tous les indicateurs révèlent que le phénomène de la toxicomanie prend de l'ampleur en Algérie, notamment dans le milieu des jeunes. Les établissements hospitaliers spécialisés en Algérie ont traité près de 22 000 toxicomanes durant les dix dernières années.» Cette vision est confortée par l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLCDT) qui indique que l'Algérie compte quelque 200 000 consommateurs de drogue. Bien que l'Algérie soit considérée comme étant un pays à faible prévalence de sida (0,1%), la population des usagers de drogue par voie injectables (UDI) représente un foyer à risque très élevé de contamination au VIH/sida. L'alerte de Menahra est sérieuse tout autant que les risques que représente ce fléau sur la jeunesse algérienne, particulièrement dans le monde scolaire et universitaire. Les données épidémiologiques peuvent appuyer l'hypothèse d'une contagion concentrée dans certains groupes de population répartis à travers différentes régions géographiques. L'association AnisS a annoncé, il y a une semaine, que 600 nouvelles contaminations au virus du sida ont été officiellement enregistrées en Algérie durant les 9 premiers mois de l'année 2010. Ces nouveaux cas portent le nombre officiel cumulé à 4745 séropositifs et 1118 sidéens. «La première population à risque actuellement dans notre région est la population des usagers de drogue par voie injectable, UDI», confirme le docteur Ilham Lagrich du pôle de connaissance Knowledge Hub Arrazi (KH Arrazi) qui rayonne sur l'Algérie, la Libye, la Tunisie et le Maroc. Pour pallier ce phénomène et éviter une épidémie au sein de cette population vulnérable et éventuellement une propagation à la population générale, une stratégie nouvelle s'impose en vue de prendre en charge la population des UDI. Une nouvelle approche s'impose «Cette stratégie doit s'inscrire dans une démarche de santé publique. Pour être efficace, elle doit reposer sur une approche pragmatique et non moralisatrice afin d'atteindre cette population fortement stigmatisée et marginalisée. La démarche préconisée par les Nations unies est l'approche de Réduction des Risques (RdR) de contamination», explique la même source. En effet, dans la plupart des pays, dont l'Algérie, la démarche adoptée face aux UDI consiste à les arrêter, les incarcérer et leur fournir un traitement axé uniquement sur l'abstinence et le sevrage. Ces politiques répressives ont eu pour conséquence, d'une part, de faire de l'UDI un criminel caché et inaccessible, empêchant de ce fait toute évaluation et toute surveillance de l'évolution du phénomène et, d'autre part, d'écarter cette population des services de santé et de la laisser fortement exposée aux épidémies, notamment le VIH. «Il faut rappeler qu'une épidémie ne restera pas circonscrite à la population des UDI, car dans un second temps, ces derniers seront vecteurs de transmission du virus à la population générale», met en garde, lors de son intervention, le professeur El Omri Fatima, une psychologue marocaine. Ces politiques de criminalisation sont aujourd'hui unanimement contestées par les différents organismes actifs dans le domaine, mais aussi par l'expérience et le succès des politiques d'accompagnement et d'encadrement des UDI qui ont fait leurs preuves dans de nombreux pays. L'effort de l'Etat algérien dans ce domaine se traduit par la réalisation, dans différentes wilayas, de 15 centres hospitaliers spécialisés, 53 centres intermédiaires de soins pour les toxicomanes (CIST) et 185 cellules d'écoute et d'orientation. Cependant, sur le plan de l'approche, beaucoup reste à faire. D'où l'initiative de l'OMS de la mise en place du réseau régional Menahra pour sensibiliser les Etats de la région MENA à opter pour la réduction des risques au lieu de la criminalisation.