Deux phénomènes inquiétants ont pris de l'ampleur au niveau des principales localités de la wilaya, notamment à Koléa, Hadjout, Bou Ismaïl, Cherchell et Tipaza : la mendicité et la prostitution. Des femmes seules ou avec des bébés et enfants, des hommes de différents âges occupent les trottoirs des principales artères de ces villes. Les mendiants ne se gênent plus pour harceler les passantes et les passants. Ces « pauvres », qui ont investi les places publiques et les rues, sont très mal vêtus, leurs habits sont sales et partiellement déchirés. Les bébés sont allongés sur un carton : certains dorment, d'autres tètent. Les petits enfants en mesure de marcher s'en prennent aux passants pour « cueillir » quelques sous. La plupart des femmes enveloppées de leur hidjab, pas du tout propre, fixent leurs regards sur les piétons, reprennent les mêmes « couplets » de leurs récitations, pour susciter la pitié et faire tomber les passants dans leur « traquenard ». Ces mendiants structurés au sein d'un réseau s'intéressent aux chiffres d'affaires à réaliser. Très peu nombreux qui acceptent les offres de nourritures et les repas chauds. Certes, les drames sociaux constituent une réalité qui ne pourra jamais être dissimulée à travers les discours officiels en Algérie, de surcroît dans les cités urbaines. Cette situation de misère est une aubaine pour des « nababs invisibles », qui exploitent les femmes, les jeunes filles, les bébés, les enfants et les personnes handicapées, pour cumuler beaucoup d'argent. L'Algérien demeure sensible et faible devant ces « images misérables ». Il n'hésite pas à manifester sa solidarité dès qu'il se trouve devant le fait accompli. Pour satisfaire notre curiosité, nous avons sollicité plusieurs « mères » qui occupent les rues, afin d'en savoir davantage. Au bout du compte, les mendiants ne dévoilent jamais leur véritable situation. Ils évitent de répondre aux questions, il ne cherchent que de l'argent. Pour ne citer que cet exemple édifiant, enveloppée dans son hidjab noir, vers 22 h entourée par trois bébés, la mendiante nous révèle d'abord qu'elle est venue directement de Batna avec ses trois bébés s'installer dans la wilaya de Tipaza. Elle a choisi Cherchell, après avoir effectué une halte à Bou Ismaïl. Elle prétend être mère de six enfants. Elle a été jetée à la rue par sa belle-mère, après la mort de son mari, selon son récit. Nous avons remarqué qu'elle n'est pas cohérente dans ses propos. Dans un premier temps, elle répond qu'elle est âgée de 31 ans. Auparavant, elle nous avait dit que sa fille aînée est étudiante en 1re année à l'université à Batna, avant de se raviser et préciser qu'elle est âgée de 40 ans presque. A proximité d'elle, d'autres mendiantes sont installées sur des cartons. L'espace est sali par les miettes de pain et de biscuit et le lait. Notre interlocutrice, partiellement grosse, paraît jeune. « J'ai une fille qui étudie à l'université de Batna. Mes trois autres enfants aînés ignorent que je suis là », ajoute-t-elle. La mendiante, qui refuse de révéler son prénom, se rend compte de ses mensonges rapidement à travers nos questions. Elle est embarrassée. « Excusez-moi monsieur le journaliste, déclare-t-elle sèchement, je ne vais pas vous étaler mes malheurs », ajoute-t-elle avant de se replier dans son silence. A Tipaza, nous croisons une jeune fille qui avait quitté l'univers de la mendicité, pour pénétrer celui de la prostitution. Jeune et belle, « des mâles » s'attablèrent à côté d'elle. Elle commence à organiser sa journée. Pour cette jeune fille célibataire venue d'une wilaya de l'ouest du pays, c'est un autre moyen pour gagner sa vie sans que ses parents et ses frères ne le sachent. « Quand je leur rends visite, je leur remet de l'argent, car je fais partie d'une famille pauvre. Pour eux, je travaille, mais je ne leur dis jamais la vérité sur ce que je fais et le lieu où je me trouve », conclut-elle. C'est la misère sociale, qui a poussé ces populations à se débrouiller pour trouver des solutions pour survivre, dans les rues et l'indifférence.