Faudra-t-il sortir de l'euro ? C'est le débat qui revient à la charge entre les pays de la zone en raison de la situation économique et les divergences sur la solidarité économique entre pays membres de l'Union européenne. La question n'est pas aussi simple. Selon la Banque centrale européenne (BCE), quitter l'euro c'est quitter l'Union européenne. Pour en sortir, il faudra donc faire immédiatement au moins 7 milliards d'euros d'économies annuelles. Les pays peuvent continuer à verser un milliard d'euros au titre de politiques de coopération, pour ne pas paraître mesquins, et conserver 6 milliards d'euros par an pour un fonds de stabilisation du cours du franc français, selon la presse européenne plus ou moins favorable à l'euro. Les économistes suggèrent de définir une cible de parité non plus avec la seule Allemagne, comme c'est actuellement le cas, puisque la France est obligée d'adopter la politique monétaire qui convient à l'Allemagne, mais avec un panier de devises comprenant le dollar, le yuan, l'euro, le yen. Il faudra donc réévaluer cette cible au besoin mensuellement, et de taxer les importations en provenance des pays aux monnaies sous-évaluées, comme proposé dans le cadre d'une taxe de libre-échange. Ceci répond par avance à ceux qui craignent une spirale de dévaluations compétitives. Et les rentrées de cette taxe de libre-échange pourraient servir à financer la ré- industrialisation. C'est en tout cas l'avis d'économistes français. Selon les partisans d'une sortie de l'euro, le problème majeur de cette monnaie «est d'imposer une même politique monétaire à un ensemble de pays aux réalités trop disparates. Au milieu des années 2000, les taux directeurs de la BCE présentaient la double particularité d'être trop élevés pour des pays comme la France ou l'Allemagne, où ils ralentissaient une croissance déjà peu vaillante, et d'être trop faibles pour des pays comme l'Irlande ou l'Espagne, ce qui encourageait une croissance qui n'en avait pas besoin. En effet, les économistes jugent le niveau des taux en les rapportant à la croissance nominale du PIB (croissance + inflation). Quand les taux sont supérieurs à la croissance nominale, ils ralentissent la croissance en rendant l'argent cher. Quand ils sont inférieurs, ils la soutiennent en rendant l'argent bon marché». Pour eux, les années 2000 ont montré les ravages d'une politique unique pour des pays aussi différents. En France et en Allemagne, la croissance nominale tournait entre 2 et 4%. La politique monétaire de la BCE ralentissait donc légèrement la faible croissance qu'il y avait des deux côtés du Rhin. En revanche, en Espagne ou en Irlande, la croissance nominale était d'au moins 6 à 7%. Du coup, la politique monétaire de la BCE accélérait inutilement la croissance de ces pays, et porte donc une part de responsabilité importante dans les bulles qui s'y sont développées, estiment les économistes européens favorables pour sortir de la zone. De leur avis, avec des taux d'intérêts à court terme à 7 ou 8% la bulle immobilière et la spéculation auraient pu être contrecarrées. L'euro cher pousse aux délocalisations, politique de compression des salaires, politique monétaire unique inadaptée à des réalités nationales différentes : les vices de l'euro sont immenses. Pire, ils ne sont pas corrigeables comme le montre le cas tchécoslovaque. En mai dernier, la France a encore menacé de se retirer de l'euro pour convaincre l'Allemagne d'aider la Grèce en situation de banqueroute, avait rapporté le journal El Pais citant le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, au moment où il a été accordé à ce pays 110 milliards d'euros de prêts sur trois ans, de l'eurozone et du FMI. La France avait déjà émis la même menace en 2007, rappellent les médias, quand les économistes de l'heure jugeaient opportun de le faire «pendant que la parité du franc est encore proche de sa valeur initiale par rapport à l'euro, car plus tard, ce sera trop tard». En octobre dernier, l'Allemagne, à son tour, a menacé de se retirer de la zone euro, sur un coup de colère de la chancelière Angela Merkel, selon The Guardian, repris par Reuters. Une menace que ce pays nie et a même confirmé son attachement à l'euro. Par contre, l'Allemagne souhaite voir les pays en difficulté en sortir pour éviter le déclin économique de la zone. Fin du miracle de l'euro en 2008 Le miracle de l'euro aurait cessé en 2008, la monnaie unique a eu quelques effets bénéfiques. Elle facilite les échanges au sein de la zone, même si elle n'a pas accéléré un mouvement qui lui préexistait largement. En outre, il faut se souvenir que seule 20% de la population va à l'étranger tous les ans. Ensuite, la convergence des taux longs a permis aux pays qui souffraient d'une forte prime de risque de réduire le coût de leur dette. En examinant les chiffres, la zone euro est entrée en récession dès le 2ème trimestre 2008, soit un trimestre avant les Etats-Unis. En 2009, le PIB des USA a baissé de 2,5%, contre 4% en Europe et en 2010, la croissance sera de 1,6% de ce côté ci de l'Atlantique, contre 2,6% de l'autre. La zone euro n'est absolument pas une Zone monétaire optimale, comme le définissent les économistes, à savoir une zone géographique apte à partager une même monnaie. Aucun des trois critères nécessaires n'est rempli, à savoir la convergence macro-économique, la mobilité des travailleurs et l'existence d'un budget central. Les pays qui y participent sont trop dissemblables pour partager une même monnaie, indiquent les favorables à la sortie de l'euro. La faiblesse du cours de l'euro a aidé les économies européennes à la fin des années 1990, mais depuis dix ans sa surévaluation chronique pénalise la croissance, souligne-t-on. En effet, hormis à sa naissance et pendant quelques temps (où il est descendu jusqu'à 0,82 dollar), l'euro est une monnaie dont le cours est trop élevé. Les économistes estiment que son cours normal devrait être entre 1 à 1,1 dollar à parité de pouvoir d'achat, soit encore une surévaluation de 20 à 30% aujourd'hui (et qui a atteint 50% mi-2008 à 1,6 dollar). Pour eux, la politique de la BCE est à l'origine lorsque en juin 2008, Jean-Claude Trichet avait trouvé le moyen de monter les taux alors que les Etats-Unis les avaient déjà baissés de 3 points ! Cette surévaluation est un énorme handicap commercial. Par exemple, en dix ans, la France est passée d'un excédent vis-à-vis des Etats-Unis à un déficit de 5 milliards et l'excédent de l'Allemagne a été divisé par deux. Pour avoir divisé l'Europe, la barre penche plus vers les favorables à la sortie de l'euro en France alors que l'Allemagne a tout à gagner en restant.