Le marché des devises restait de marbre lundi après les rencontres du week-end entre les grands argentiers mondiaux, qui ne sont parvenus à aucune décision concrète pour éviter une "guerre des changes", tous les regards étant à nouveau tournés vers l'économie américaine. Vers 13H00 GMT (15H00 HEC), l'euro se stabilisait face au billet vert, à 1,3934 contre 1,3926 dollar vendredi soir. Il a brièvement franchi auparavant la barre de 1,40 dollar, comme il l'avait fait jeudi, avant de retomber sous ce seuil. Face à la devise nippone, l'euro perdait un peu de terrain (à 114,15 yens contre 114,29 yens vendredi à 21H00 GMT). Le dollar baissait également légèrement face au yen (à 81,92 yens contre 82,06 yens vendredi soir), après être tombé à 81,39 yens la veille, son niveau le plus faible depuis fin avril 1995. Bref, aucun mouvement d'ampleur significative n'était constaté. Les ministres des Finances du G7 et du G20, qui se sont réunis en marge de l'assemblée du FMI à Washington, "semblent avoir essayé de minimiser les conflits et la mésentente sur les changes, mais il n'y a eu aucun engagement visant à changer ces comportements", rappelait Steve Englander, analyste chez Citibank. Dans ce contexte, le problème numéro un en matière de devises est resté inchangé: la faiblesse du dollar, qui menace de désorganiser l'ensemble du système en handicapant les exportations -et donc la reprise- de tous les pays dont la monnaie s'apprécie face à celle de la première économie mondiale. C'est donc un retour à la case départ, notaient lundi les analystes. Les cambistes semblent avoir simplement passé les rencontres du week-end par pertes et profits pour se concentrer à nouveau sur les Etats-Unis. Ils attendent donc désormais la publication, mardi, des minutes de la dernière réunion de politique monétaire de la banque centrale américaine, la Fed, à l'affût du moindre signe sur la mise en oeuvre de mesures de soutien. L'injection de milliards de dollars dans le circuit économique américain, sous forme notamment d'achat d'obligations ou d'actifs, aurait sans doute bien plus d'effet sur le rapport entre les monnaies que des rencontres d'ordre politique. "En fonction des décisions prises par la Fed, le dollar pourrait rapidement se déprécier encore plus", estime Stephen Gallo, analyste chez Schneider FX. Ce qui ferait sans doute l'affaire des Américains, mais pas celle des Européens ou des pays émergents. Les dirigeants européens semblent quant à eux condamnés à une certaine impuissance : "l'euro a été relativement absent des débats du week-end, notait Steve Englander, car il semble admis que les mouvements de la monnaie unique ne font que refléter des forces bien plus puissantes à l'oeuvre, en Chine et aux Etats-Unis". Cependant, "la progression continue de l'euro ne semble pour l'instant avoir aucun impact sur l'économie de la zone euro", notait Valentin Marinov, analyste chez Citibank, ce qui ne devrait pas pousser la Banque centrale européenne (BCE) à intervenir sur le marché à très court terme. Guy Quaden, qui est également gouverneur de la banque centrale belge, s'en est pris aux récentes variations importantes entre les devises sur le marché des changes. "Nous devons éviter les mouvements brutaux (sur le marché des changes) et j'espère donc (...) que sans plus attendre nous allons coopérer davantage sur ce dossier", a rapporté l'agence Market News International en citant Guy Quaden. "Nous vivons dans un monde de changes flottants mais la volatilité excessive est mauvaise et doit être évitée par des efforts collectifs au niveau international." Il faut remonter à 2007 pour retrouver l'utilisation de l'adjectif "brutal" par un membre de la BCE pour décrire les variations sur les marchés des changes: elle émanait alors de Jean-Claude Trichet, le président de l'institution. Ce terme est considéré comme l'un des plus forts utilisés par la BCE. Les tensions internationales sur le marché des changes se sont fortement accrues ces dernières semaines, notamment avec le recours de plusieurs pays émergents à des mesures destinées à freiner l'appréciation de leur monnaie. Le sujet restera en tout cas à l'ordre du jour du côté des dirigeants politiques notamment lors de la présidence du G20 par la France, qui en a fait un thème prioritaire. Dans un entretien à la presse, Yves Mersch, un autre membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a néanmoins minimisé l'envolée de l'euro face au dollar depuis un mois. "Il ne faut pas trop observer les taux de changes bilatéraux. Ce qui importe c'est le taux de change effectif. On voit alors qu'au troisième trimestre, il n'est pas supérieur à celui du deuxième trimestre", a-t-il dit. Yves Mersch a dit anticiper une croissance de 0,4 à 0,6% pour la région au troisième trimestre. De son côté, Guy Quaden a estimé que la reprise économique dans la zone euro allait continuer à un rythme plus modéré et que la BCE ne relevait pour l'heure aucun risque déflationniste. Le vice-président de la BCE, Vitor Constancio, est également intervenu pour s'exprimer sur un possible retrait en début d'année prochaine des mesures de soutien à l'économie de la BCE. "Nous n'avons pris aucun engagement préalable, nous allons donc étudier l'évolution de la situation et ensuite prendre une décision", a-t-il dit à Market News. Les économistes se demandent s'il serait sage pour la BCE de retirer ses mesures de soutien à l'heure où les banques centrales des autres grandes puissances économiques reviennent à de telles mesures. Vitor Constancio a également minimisé l'idée selon laquelle la BCE envisageait d'adapter ses règles en matière de garanties afin d'empêcher certaines banques de se refinancer uniquement par l'intermédiaire de la banque centrale. "Non, nous n'avons rien (de tel) en tête en ce moment", a-t-il dit, avant d'ajouter "C'est un problème que nous analysons, que nous étudions, mais il n'y a rien de décidé pour l'heure." Selon les économistes interrogés par Reuters, la BCE ne devrait pas relever ses taux d'intérêt avant le dernier trimestre 2011.