Des experts de l'ONU craignent des «crimes contre l'humanité » La crise ivoirienne s'éloigne de toute solution discutée. Le pays est toujours dans l'impasse. Cinq semaines après la présidentielle du 28 novembre qui a donné deux présidents, Allassane Ouattara reste toujours retranché dans l'hôtel du Golfe, tandis que Laurent Gbagbo chauffe bien en ce début de 2011 le fauteuil présidentiel auquel il s'accroche, en dépit des menaces de sanctions internationales. Le ton monte, après la fin, vendredi à minuit, de l'ultimatum donné par Ouattara à Gbagbo pour quitter le palais présidentiel en échange de la tranquillité. Le spectre de la guerre civile plane à nouveau sur le pays et l'ONU craint des «crimes contre l'humanité». Laurent Gbagbo, qui a jusque-là le soutien de l'armée, semble déterminé à réprimer toute tentative de «rébellion». Gare donc aux partisans d'Allassane Ouattara ! Ce dernier, fort d'un large soutien international, ne veut pas non plus jeter l'éponge. Dans son propre discours de vœux jeudi, il s'est montré confiant, annonçant pour 2011 «la rupture avec les dix années de souffrance, de pauvreté et de mort» du régime Gbagbo. Bien installé dans son palais d'Abidjan, Laurent Gbagbo a très clairement dit qu'il n'entendait pas renoncer à la présidence, comme l'exigent l'ONU et de nombreux pays, notamment africains. «Nous n'allons pas céder», a-t-il lancé vendredi dans des vœux retransmis par la télévision d'Etat RTI, en accusant Allassane Ouattara de «tentative de coup d'Etat menée sous la bannière de la communauté internationale». La crise a déjà fait 179 morts ces deux dernières semaines, selon l'ONU, qui pointe la responsabilité du pouvoir en place. Les efforts de paix se poursuivent afin de convaincre Laurent Gbagbo d'accepter de céder le pouvoir à son rival. Mais les chances de succès de la médiation ouest-africaine paraissent minces, même si M. Gbagbo évoque «le temps du dialogue». Après un passage cette semaine à Abidjan, trois émissaires de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) doivent revenir lundi en Côte d'Ivoire. Les présidents Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pires (Cap-Vert) vont tenter d'obtenir le retrait du sortant. Mais en cas d'échec, la Cedeao a averti qu'elle pourrait user de la force et a déjà mis «la machine en marche», préparant des plans pour un «dernier recours» au cours d'une réunion de chefs militaires à Abuja (Nigeria). Ils doivent de nouveau plancher sur la question mi-janvier au Mali. Le Premier ministre de M. Ouattara, le chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) Guillaume Soro, mise désormais sur une intervention armée extérieure. «Les dictateurs ne négocient pas leur départ, on les fait partir», a-t-il tranché vendredi. «Notre premier devoir envers la patrie, c'est de la défendre contre les attaques extérieures et non de la livrer à ceux qui veulent la soumettre», a répliqué M. Gbagbo. A court terme, les risques de nouveaux affrontements à l'intérieur sont réels. Le leader des «jeunes patriotes» pro-Gbagbo, Charles Blé Goudé, a appelé ses fidèles à libérer à mains nues le QG de Ouattara après le 1er janvier. Mais il s'est gardé pour l'heure de donner un rendez-vous précis. S'il met son projet à exécution, l'ONU redoute une reprise de la guerre civile de 2002-2003. Cette flambée de violences avait entraîné une partition du pays — le sud contrôlé par le camp Gbagbo, le nord par le FN — que la nouvelle crise ivoirienne n'est pas près d'effacer.