L'appel à manifestation lancé par la SGP Est/Sud-Est remet-il en cause le dispositif RES et les avantages accordés aux travailleurs ? Grande inquiétude dans les entreprises.Neuf entreprises publiques dont le portefeuille est géré par la Société de gestion des participations Est/Sud-Est sont proposées à la vente dans le cadre du processus de privatisation. Il s'agit de trois SPA de Béjaïa (la société de travaux de viabilisation STVB, la société des industries des métaux SIMB et l'entreprise de travaux publics ETPB), trois autres de Guelma (l'entreprise de travaux hydrauliques et forestiers, l'entreprise de travaux routiers et l'entreprise de plomberie, électrification et climatisation), deux SPA de Tébessa (l'entreprise de travaux d'électrification et l'entreprise des industries du métal et dérivés) et enfin le bureau d'études de Mila. Un avis d'appel à manifestation d'intérêt national et international a été lancé par voie de presse pour la cession des actifs et passifs de ces entreprises dont certaines ont déjà été engagées dans la voie de la privatisation, sous une autre formule, à l'exemple des trois entreprises béjaouies portées sur la liste de la SGP et dont la publication n'a pas manqué de désarçonner des travailleurs s'étant déjà crus dans l'habit de repreneurs "naturels" puisque ayant souscrit à la formule de la reprise de l'entreprise par ses salariés (RES) conformément à l'article 5 du décret n°01 353 du 10 novembre 2001. Pour la STVB, la décision est d'autant plus déroutante qu'au niveau de l'entreprise l'on se rappelle de la demande de désistement rejetée au motif que le train du RES est déjà parti. A son bord, 87 salariés-repreneurs dont les provisions ont grossi le compte des œuvres sociales mais qui risquent désormais d'être invités à le quitter. L'entame du processus avait amené à la tenue d'une assemblée générale en avril 2004. Fortement contestée, la réunion que les textes définissent comme un premier rendez-vous informatif et qui devrait être suivi d'une AG extraordinaire, a donné naissance à un conseil d'administration. L'AG d'avril 2004 est aujourd'hui au centre d'un dépôt de plainte de la part de travailleurs qui ne lâchent pas leur accusation d'un "détournement" de l'ordre du jour de cette AG. C'est donc dans une ambiance de bras de fer que l'entreprise a entamé son processus laborieux de privatisation et qui allait lui donner un nouveau statut sous la dénomination de TRAVIAB Gouraya. Son inclusion parmi les 9 entreprises proposées à la cession, si elle permet des interrogations quant au devenir du dispositif RES, suggère pour certains des velléités des pouvoirs publics de passer l'éponge sur une formule source de conflits, pour certains cas du moins où l'on semble avoir opté pour le "on efface tout et on recommence". A la STVB, on s'en remet encore à la justice pour demander que soit poursuivie la formule entamée. La même formule qu'a eu à adopter et mettre en oeuvre dans un climat de "paix" la SIMB, société spécialisée dans la fabrication et le montage de charpentes métalliques sise à la zone industrielle d'Ihaddaden à Béjaïa, avec une unité à Amizour, et qui est aussi un concessionnaire Peugeot. 93 salariés ont souscrit pour la reprise de l'entreprise avec dossier complet déposé en avril 2004 et ne reste du processus que l'étape du transfert du capital de la nouvelle société pour laquelle l'on a préparé la dénomination de AUTO.CHAR.ME. (Automobile, charpente métallique). Les travailleurs ont été surpris, de l'avis de certains d'entre eux, par la nouvelle annonce de cession. Les principales étapes de la procédure RES consommées, la privatisation de la SIMB est finalement orientée sur une autre voie, la même sur laquelle se retrouve aussi, dans des conditions de houle, l'ETPB. procédure étouffée dans l'œuf Au niveau de ce que l'on préfère appeler le parc à matériel, la procédure a été étouffée dans l'œuf. En 2002, 59 salariés ont formulé, via des fiches, le vœu de reprendre l'entreprise. Novembre 2004, l'engagement des travailleurs devait être confirmé devant huissier de justice lors d'une assemblée générale avant que la direction ne présente, par la suite, une liste, contestée, de 85 repreneurs. Depuis, c'est le blocage. "On a puisé parmi le personnel temporaire sans consultation ni droit de vérification", nous dit M. Zaïdi, président du comité de participation (CP). Selon les textes régissant le domaine, n'ouvrent droit à la souscription à la reprise des entreprises privatisables, outre les permanents, que les travailleurs dont le contrat de travail dépasse une année dans l'entreprise. L'ETPB emploie près de 130 travailleurs dont près de la moitié est un personnel temporaire, selon notre interlocuteur qui croit à un "recrutement massif sans besoin réel". Dans le processus de privatisation, l'assemblée générale des travailleurs repreneurs est l'organe délibérant sur l'organe de gestion que peut être le conseil d'administration. La majorité de sa composante est de fait l'objet de convoitises. Et c'est là tout l'enjeu autour duquel sont nés des bras de fer. Créée en 1977 sous la forme d'une entreprise publique locale (EPL), l'ETPB s'était engagée dans la privatisation, pour rappel, au début des années 2000 dans une conjoncture qui a vu se rebiffer un UGTA anti-privatisations. " Pour nous, le processus continue tant qu'on a rien reçu d'officiel " pense M. Zaïdi. " Le dispositif RES n'est pas remis en cause. La nouvelle formule garde les mêmes avantages accordés aux travailleurs " pense aussi le secrétaire général de la section syndicale (UGTA), visiblement moins inquiet que le président du C.P. Il reste convaincu que la soumission la plus offrante que la tutelle viendra à retenir finira par être soumise aux travailleurs au nom d'un droit de préemption consacré par l'ordonnance 01/04 du 20/08/2001 (article 29). Une hypothèse dans laquelle préfère se réfugier aussi son homologue de la SIMB, M.Khelfaoui, qui s'en tient à des bruits de coulisses. Les pouvoirs publics n'ont-ils fait qu'annuler le gré à gré en gardant le droit de préemption des travailleurs ? Au niveau des entreprises on n'en sait pas trop. C'est plutôt le grand flou. À l'ETPB, c'est aussi l'angoisse. Lendemains incertains L'entreprise est à l'arrêt depuis prés de trois mois et ses travailleurs, sans salaires depuis ce temps, roulent les pousses dans un climat d'inquiétudes. Aucun plan de charge sur la table. Au motif d'engagements non tenus, tous les projets lui ont été retirés par le maître de l'oeuvre, qui n'est autre que la direction des travaux publics, membre du conseil de l'administration. Son compte BDL a été bloqué pour avoir cumulé un important découvert. Un ATD (avis de tiers détenteur) de la caisse des congés payés de Sétif a hâté la procédure avant que le compte de la BEA, qu'alimente l'unité de buses, ne soit bloqué à son tour pour avoir enregistre " l'encaissement d'une situation de l'ETPB ". Asphyxiée, l'entreprise " n'a même pas de quoi se payer du gasoil " au moment où l'on évoque des créances de 150 millions de dinars détenus essentiellement auprès des collectivités locales et d'organismes publics. Entre cette situation d'asphyxie et la politique de privatisation certains se plaisent à faire un parallèle pendant que d'autres préfèrent voir un " problème de mauvaise gestion " dans l'entreprise. Entre les deux, il reste qu'on reproche à la SGP de n'avoir " pas pris la décision utile en temps utile " selon le SG de la section syndicale, et de n'avoir pas assuré " un bon suivi " du dossier privatisation selon le président du CP. Cependant, il nous a été impossible d'avoir l'avis du PDG de l'ETPB que nous n'avons pas pu joindre. La SGP Est/Sud-Est gère un portefeuille de 140 entreprises publiques dont une dizaine implantée à Béjaïa (Imprimerie de wilaya, ETR, ECBAT Tichy, EDIMCO, EPLF, SOMACOB, ...). À l'exception des EPLF, toutes sont à vendre. La date limite arrêtée pour le dépôt des dossiers de soumissions pour la première liste a expiré le 6 novembre dernier. Les travailleurs semblent être suspendus entre deux formules dont la première tient lieu d'une formule-essai qui laisse subsister quelques zones d'ombre et qui pourrait bien être remise en cause, plus pour certaines entreprises que pour d'autres. À la STVB, en tout cas, des formulaires portant demandes " de remboursement du montant avancé au titre de la contribution au dispositif RES " ont été distribués aux travailleurs repreneurs invités à les signer. Le document souligne aussi que chaque engagement des souscripteurs " demeure valable dans le cas où les pouvoirs publics venaient à reconduire leur décision ". Des membres du directoire de la SGP Est/Sud-Est sont attendus à Béjaïa, certainement même ailleurs, selon des indiscrétions qui n'écartent pas que des entités économiques fassent l'objet d'une cession directe à la faveur de l'avis d'appel à manifestation d'intérêt national et international.