Implantée depuis juillet dernier dans la zone industrielle d'Es-Senia, la Maison des Convertibles et des Lits (MCL), une entreprise spécialisée dans la fabrication de salons, canapés, fauteuils et literie, représente, selon M. Tayeb Benabid, directeur, la première opération de délocalisation d'entreprise française vers l'Algérie. M. Benabid père, immigré de la première génération, a débuté sa carrière dès 1961 comme simple négociant avant de se retrouver, à l'aube du troisième millénaire, propriétaire de 32 000 m2 d'usines couvertes. Entre temps, il avait commencé par acquérir une première usine située à Ars sur Moselle avant d'étendre son activité à Coussey dans les Vosges. « Nous avons délocalisé deux de nos sites de fabrication en transférant matériels et matières premières mais nous avons également acquis des équipements neufs, le tout pour un investissement équivalant à 1,5 million d'euros », indique M. Benabid fils, le temps d'une visite sur site pour montrer les innombrables machines déjà opérationnelles de menuiserie, de tapisserie, de couture ou de fabrication de « mousse ». Pour ce dernier cas, la machine est acquise spécialement pour les besoins de l'usine car « les fabricants de mousse locaux, même s'il en existe énormément à Oran, ne proposent qu'une densité uniforme, ce qui ne répond pas aux exigences de la confection des produits », explique le patron de cette entreprise qui, imprégné d'une culture d'entreprise, a déjà fait une étude de marché et prospecté toutes les écoles de formation existantes dans la région. « Les délocalisations étant un véritable phénomène en France, nous aurions pu, comme beaucoup d'autres, aller vers les pays de l'Est, notamment ceux ayant intégré l'Union européenne, mais mon père a tenu pour que nous soyons présents en Algérie, notre pays d'origine », confie-t-il pour retracer ensuite le parcours de cette expérience. Tout a commencé il y a une année et demie lorsque l'entreprise familiale a été invitée par la chambre de commerce de la Lorraine pour participer à la foire internationale d'Alger. « Au départ le défi consistait à savoir si, en tant qu'Algérien vivant en France, on était capable de faire aboutir un projet d'investissement mais en tant que fabricants », atteste le patron de MCL qui se souvient de l'échec d'une première tentative de partenariat avec un opérateur public spécialisé dans le domaine. Par un concours de circonstances, un opérateur local, M. Benamar possédant déjà une structure bâtie dans la zone industrielle, a accepté de relever le défi avec la création de cette société mixte. « Six mois ont été nécessaires pour l'établissement du registre du commerce », rappelle-t-on pour titiller un peu la bureaucratie nationale avant de considérer qu'« au niveau des douanes, des textes spécifiques aux délocalisations existent et il suffit de les remettre au goût du jour ». Après cela, une trentaine de containers d'équipements ont pu être débarqués au port d'Oran. Une fois les machines installées, les gestionnaires de l'usine ont fait appel à un personnel qualifié pour former les ouvriers de l'usine dans le domaine de la couture, la tapisserie et la menuiserie. « Le niveau de qualification est très bon en Algérie et les formateurs auxquels on a fait appel ont été ramenés juste pour familiariser le personnel avec les équipements et les modèles que nous voulions développer », explique-t-on à ce sujet. Dans un premier temps, l'usine devait fonctionner avec 50 ouvriers mais, à terme, on envisage de créer 100 autres emplois. En attendant, dès juillet, une première gamme de produits est sortie de la zone industrielle d'Es-Senia. MCL a même répondu à la demande en matelas orthopédiques de l'EHU, évitant ainsi à cette structure prestigieuse de faire appel au marché de l'importation. Pour le reste, fauteuils ou clic-clac, hormis les produits de type européen, l'entreprise ambitionne de retravailler le design algérien en faisant appel aux anciens du métier mais en continuant à former des jeunes. Hormis les sculptures sur bois de type mauresque et berbère, déjà très prisées, les designers de MCL ont déjà proposé, à titre indicatif, des salons de type marocain mais avec des lignes inspirées du savoir-faire occidental. Un mariage qui, à l'image du partenariat, peut s'avérer fructueux. « Notre premier objectif est de récupérer les parts de marché à l'intérieur avant de nous attaquer à l'exportation car, pour l'heure, nos seuls concurrents sont les importateurs », indique-t-on, en faisant remarquer que d'autres équipements pour deux autres entreprises sont disponibles. A l'avenir, on compte développer des relations avec le secteur du bois, les tanneries et les fabricants de cuir algérien considéré comme étant de meilleure qualité. Si à des niveaux divers des facilitations ont été accordées, le staff dirigeant déplore seulement le manque d'intérêt affiché par les banques nationales. Selon lui, le financement a été assuré par des fonds propres malgré les garanties présentées concernant la fiabilité du projet. Pour une valeur estimée à 6 milliards de centimes dont 2,5 concernant l'acquisition d'équipements neufs, les propriétaires ont présenté un ratio (considéré sécurisant) de 30%, en vain. Ce qui a fait dire au jeune patron que « les chefs d'entreprise PME/ PMI sont mal considérés en Algérie ».