L'appel au calme lancé par les imams dans les mosquées d'Oran lors de la prière du vendredi n'a pas eu le résultat escompté. Quelque temps après, ce fut le retour aux émeutes dans les quartiers d'El Hamri, Petit Lac et Saint-Pierre. A El Hamri, les pierres ont été remplacées par des cocktails Molotov et les jeunes ont été plus déchaînés que les jours précédents. Le boulevard des Martyrs de la Révolution, longeant le quartier, a été le théâtre de violentes protestations contre «la cherté de la vie et la hogra» tel que scandé par les jeunes protestataires. Fait inhabituel hier, parmi les protestataires, il y avait des pères de famille mais aussi des femmes qui, à partir des portes de leurs maisons souvent en ruine, scandaient des slogans pour «soutenir cette révolte» qui a pour origine un malaise social profond. Toutefois, selon des témoignages recueillis sur place, la grogne a été plus grande, hier, à cause «des arrestations opérées par les services de sécurité». A Petit Lac, cagoulés pour certains et armés de matraques et de pierres, les jeunes révoltés ont tenté de forcer les ceintures de sécurité encerclant leur quartier pour descendre au centre-ville et marcher jusqu'à la place du 1er Novembre (ex-place d'Armes), mais le renfort sécuritaire était plus imposant. L'ordre a été donné, selon nos sources, de cerner la révolte dans les quartiers et empêcher son déplacement vers le centre-ville et les zones stratégiques économiques. Cette mesure a permis de minimiser les dégâts. Il n'y a pas eu de casse à Oran, notamment dans les quartiers en ébullition. A Oran-Centre, c'est plus tard, vers 15h, que des incidents ont été enregistrés, avec pour la première fois depuis le début de la grogne, des échanges de pierres et quelques tirs de gaz lacrymogène entre des jeunes émeutiers et les forces de l'ordre. Des fourgons de police de la brigade antiémeute étaient parqués devant les places publiques, comme la place du 1er Novembre, la place des Victoires ou la place Hoche, ces deux dernières délimitent en quelque sorte le quartier populaire Saint-Pierre, situé en plein cœur de la ville. C'est là qu'ont été enregistrés, hier, et pour la première fois au centre-ville, les premiers incidents. Comme c'était le cas mercredi dernier, des bandes de jeunes curieux, parfois des adolescents, se sont amassés tout le long de la rue d'Arzew et de la rue Mostaganem pour observer les échauffourées. Une ambiance mi-figue mi-raisin règne dans ces lieux avec une circulation piétonne presque ordinaire et un climat de tension entre la police et les jeunes récalcitrants. Tous ces quartiers concentrent une grande frustration de la population à cause de la vétusté du parc immobilier, de l'insécurité et des conditions de vie précaires dont le chômage. Ce sont notamment, en plus de la cherté de la vie, les raisons évoquées par les riverains pour expliquer leur mécontentement. «Ce n'est cependant pas en jetant des pierres qu'on va régler les problèmes. La contestation, comme en Europe, doit être organisée et dans le calme», affirme un habitant du quartier. La police a procédé néanmoins à quelques arrestations, selon des témoins. Hier, vers 17h, à El Hamri, les émeutes se poursuivaient avec autant de rage. Selon nos sources, d'autres arrestations ont été enregistrées parmi les manifestants. «Plusieurs émeutiers ont été présentés hier devant la justice», selon une source fiable qui ajoute que les incidents enregistrés à Oran ont causé des blessures à des policiers ayant, de manière générale, subi des jets de pierres.