A l'occasion du 25e anniversaire de la disparition du talentueux artiste peintre M'hamed Issiakhem, l'institution muséale d'art moderne et contemporain, le Mama, a édité un beau livre de référence intitulé M'hamed Issiakhem, A la mémoire de... L' ouvrage publié sous la direction de Djaâfar Inal, l'un des fidèles compagnons du regretté artiste peintreM'hamed Issiakhem renferme des textes signés par l'ancienne conservatrice du Musée national des beaux-arts d'Alger, Mme Malika Dorbani Bouabdellah et des photographies de Boualem Hammouche. A travers ce beau livre en couleurs de 104 pages, le potentiel lecteur ne peut être qu'admiratif devant cette sélection d'œuvres picturales, accompagnées de commentaires constructifs. Dans un genre de texte introductif intitulé «Issiakham entre épopée et conjoncture», Malika Dorbani Bouabdellah souligne que le regretté peintre compte parmi les artistes qui ont incarné, par le biais de la peinture, le rêve de modernité et de renouveau que l'indépendance de l'Algérie en 1962 promettait de réaliser. «Vivant, Issiakhem s'acharnait lui-même à porter haut cet exercice qui retombait chaque fois sous le poids de la vacuité du débat… La méthode des sciences comparées serait légitime si, élaborée selon les critères objectifs, elle nous révélait les inconnues de leur art. Heureusement, leurs œuvres les sauvent de la mort, en soumettant au jugement les valeurs et les qualités intrinsèques qu'elles véhiculent. Les temps changent et le regard s'émancipe aussi malgré les vents sporadiques et contraires à son envergure». La peinture de M'hamed Issiakhem découle de la douleur et de la souffrance. Ses œuvres parlantes témoignent d'un vécu poignant. M'hamed Issiakhem excellait dans les portraits. Dans ses portraits photographiques de la première période, écrit Malika Dorbani Bouabdellah, «c'est un jeune homme aux yeux de lynx et au regard perçant, heureux, crevant l'intelligence, de désir, de rage de vaincre et de posséder, comme s'il scandait avant l'heure les poèmes de Kateb Yacine. Il ne tardera pas longtemps à rencontrer ce dernier, à devenir son ami et à s'inspirer de lui. Dans cette photographie, le regard de la jeunesse algérienne s'éveillait au nationalisme». Dans une autre photo de famille apparemment heureuse, détaille l'auteur, on aperçoit Issiakhem enfant bien portant dans une pose déjà caractéristique, la main gauche sur la hanche. Dans une autre photographie de groupe, explique-t-elle, on est en face d'un adolescent de vingt ans à l'allure exubérante. La peinture de M'hamed Issiakhem connaîtra différentes déviations multiformes à Paris. Il intègre l'Ecole des beaux-arts de Paris en 1953. En témoigne son certificat de scolarité. «On retrouve dans ses œuvres un écho de la figure féminine, de l'expressionnisme, de la monochromie, des tons et des pâtes modulées, ainsi que les tendances sarcastiques de ses deux professeurs, Raymond Legueult et Edouard Goerg», lit -on en page 39.L'artiste peintre est décédé le 1er décembre 1985 à l'âge de 57 ans, en laissant derrière lui un legs inestimable. Pour la spécialiste Malika Dorbane Bouabdellah, Issiakhem a inauguré son entrée sur la scène artistique avec son premier autoportrait et avant de partir, «il a fait ses adieux exactement de la même façon, par le biais d'un ultime Autoportrait III. Il s'en allé en nous gratifiant d'un dernier regard, non plus le reflet de lui-même comme d'habitude, ni pour un bilan définitif ou une sublimation désormais inutile. Il se retourne vers nous, à moitié informe, décharné et sans énergie». Il est à noter que l'«Autoportrait III» est l'une des œuvres majeures de l'artiste peintre à Alger, peintes entre deux séjours parisiens lors de ses douloureuses séances de chimiothérapie.M'hamed Issiakhem, A la mémoire de… est un beau livre de référence, qui sera d'un apport incontestable pour la génération actuelle et future, voulant en savoir davantage sur ce artiste hors pair qui était en avance sur son temps.