Dans un câble diplomatique classé "confidentiel", révélé par Wikileaks et daté du 13-07-2008, Thomas Daughton, le numéro deux de l'ambassade des Etats-Unis à Alger du temps de Robert Ford, est revenu sur le phénomène de la "Harga". Le diplomate américain s'est carrément déplacé à Annaba pour voir de près comment les Harragas commencent leurs mésaventures sur les plages de Sidi Salem et La Caroube, principaux lieux de départ des embarcations de fortune en partance pour la rive sud de l'Europe. En avril 2008, sur la plage de Sidi Salem, Thomas Daughton a parlé à des jeunes Algériens qui se préparaient à tenter la "Harga". Le diplomate américain a noué avec les jeunes Harragas Algériens un dialogue franc et étonnant au cours duquel il tentait de cerner les contours de ce phénomène complexe qui sidère l'Occident. Thoms Daughton a fait remarquer dans ce câble, en s'appuyant sur ses propres observations, que des "policiers présents sur la plage de Sidi Salem" se contentaient de "regarder les Harragas en les laissant préparer leurs embarcations" ! Le diplomate américain s'est renseigné également sur deux "cafés miteux", situés à proximité de cette plage mythique pour les harragas, où les passeurs négociaient avec les candidats à la "Harga" des voyages à partir de 50.000 DA. Thomas Daughton rapporte à ce propos que les deux postes de police qui surveillent cette plage sont parfaitement au courant de ce trafic, mais n'agissent nullement pour empêcher les Harragas de prendre le large ! "Nous ne sommes pas la Police des Frontières et ces jeunes ne nuisent pas à la sécurité", se justifient des policiers qui se sont confiés sans ambages au diplomate américain. A la plage La Caroube, Thomas Daughton a discuté aussi avec des jeunes désœuvrés qui peaufinent tranquillement leur "Harga". Ces jeunes lui ont confié toutes les étapes à suivre pour rallier la Sicile lors d'un voyage qui peut durer de "12 heurs à 48 heurs", "selon la météo", lui ont-ils précisés. Poussant encore plus loin ses investigations, Thomas Daughton a fait observé que toutes les couches sociales sont touchées par "la harga" à Annaba. Diplômés, médecins, ingénieurs, chômeurs, fils de familles riches, "tout le monde a tenté au moins une fois de quitter l'Algérie par la mer", souligne-t-il. A ce titre, Thomas Daughton a révélé que "le petit-fils de l'ancien président Chadli Bendjedid, Mourad Bendjedid, 29 ans, a quitté le pays, par la mer, le 8 Février 2007, avec six autres jeunes hommes, et n'a pas été retrouvé depuis" ! Lors de ses entrevues à Annaba avec des avocats et des représentants de l'association des parents de harragas disparus, l'ex numéro deux de l'ambassade US à Alger relèvera que la corruption, le népotisme, l'absence des espaces de détente et de liberté, sont les principales raisons qui poussent la jeunesse Algérienne à mettre en péril sa vie dans des embarcations de fortune. "Pris entre hogra et harga", souligne Thoms Daughton, les jeunes Algériens sont livrés à la mort en haute mer. Quant au gouvernement Algérien, il ne sait tout simplement "plus quoi faire sur cette question". Pis encore, il tente même d'instrumentaliser cette détresser pour des fins politiques, fait observer ce câble diplomatique. En effet, Thomas Daugthon explique également dans ce câble comment Djamel Ould Abbès a tenté de récupérer les jeunes Harragas lors de sa visite à Tiaret en juillet 2007. A l'époque ministre de la Solidarité Nationale, Ould Abbès s'est réuni à Tiaret avec des représentants des jeunes harragas pour leur demander "de signer une déclaration de soutien au président Bouteflika" en contrepartie d'une subvention de 400 mille DA ! Blessés dans leur honneur, les jeunes harragas ont "encerclé la maison de Ould Abbes avec l'intention de le prendre en otage", assure le diplomate américain qui cite plusieurs sources pour affirmer cette information. "Lorsque le ministre a eu vent de cela, il a quitté Tiaret avant l'aube, plus tôt que prévu, et s'est précipité pour partir à Alger", souligne encore à ce sujet Thomas Daughton.