Un message classé «secret» du 22 décembre 2008, signé de l'ambassadeur américain à Alger David D. Pearce, relate l'échange de propos qu'il a eus avec Ab-delhamid Bouzaher, directeur des Affaires arabes au ministère algérien des Affaires étrangères. Selon ce compte- rendu du diplomate américain, Alger gagnerait à raisonner la Syrie et à relancer ses relations avec l'Irak. Selon ce câble révélé par «WikiLeaks», l'ambassadeur David D. Pearce a rencontré officiellement le haut fonctionnaire algérien, la veille de la visite à Alger, du président Bachar El Assad. L'une des intentions clairement affichée par le diplomate américain est de faire passer des messages aux Syriens mais aussi de faire un point de situation sur l'Irak. A propos des combattants étrangers dans ce pays, Abdelhamid Bouzaher lui a indiqué que leur présence «a diminué ces dernières années après le pic de 2003-2005». Il a ajouté que «de nombreux jeunes combattants algériens avait été «déçus» par leur expérience», en Irak, et qu'ils «ne voulaient pas être utilisés uniquement comme kamikazes». L'ambassadeur a noté que «la Syrie était encore la route principale vers l'Irak» et que «Damas doit faire davantage», ce qui signifie qu'elle doit verrouiller sa frontière. David Pearce a estimé, sur le ton du reproche, qu' «au fil des ans, la Syrie a facilité l'accès de l'Iran au Liban». Pour l'Américain, l'Algérie devrait faire, ou pourrait faire entendre sa voix auprès de la Syrie en lui suggérant « une approche plus positive au Liban, y compris la normalisation des relations, ce qui est important pour la sécurité et la stabilité de toute la région». David Pearce a plaidé, auprès de son interlocuteur algérien «la nécessité pour les pays arabes de normaliser les relations avec l'Irak, plutôt que de laisser ce champ diplomatique à l'Iran». Après quelques passages censurés du message, A. Bouzaher revient sur le flux de combattants étrangers en Irak qui «a nettement diminué ces dernières années». Il a souligné «l'étape positive de la Syrie en ouvrant ses frontières à plus d'un million de réfugiés irakiens». Selon le contenu de ce câble, A. Bouzaher affirme que «les liens avec la Syrie se sont détériorés, ces dernières années sur la question du terrorisme», laissant entendre que Damas ne coopérait pas avec Alger, comme cela serait souhaitable. Le message diplomatique mentionne que «le gouvernement algérien s'est engagé récemment avec les Syriens sur les questions économiques et commerciales, mais qu'il n'avait pas encore réussi à conclure un accord bilatéral de sécurité». Sur ce plan, d'après ce message, «un projet d'accord bilatéral entre les services de renseignement syriens et algériens n'est pas encore signé...» «Un devoir nationaliste arabe» Le directeur A. Bouzaher a déclaré, par ailleurs, selon ce câble «que la Syrie avait montré des signes récents de vouloir sortir de son isolement et avait montré une certaine bonne volonté en ce qui concerne l'Irak et le Liban en particulier». Sur ces sujets stratégiques pour Washington, l'ambassadeur Pearce a rétorqué «qu'il est nécessaire que la Syrie démontre ses intentions d'une manière plus concrète». Côté algérien, A. Bouzaher a souligné à Pearce que «la résolution du conflit israélo-palestinien est la «clé» pour toute la région, y compris toutes les questions impliquant la Syrie». L'ambassadeur Pearce a insisté pour «que l'Algérie pèse de son poids vis-à-vis de la Syrie pour qu'elle adopte une approche plus positive au Liban, y compris la normalisation des relations, ce qui était important pour la sécurité et la stabilité de toute la région». On sait, à présent, que Damas et Beyrouth ont depuis lors, normalisé leurs relations. Par rapport au Liban, A. Bouzaher «a souligné que l'Algérie avait «un devoir nationaliste arabe» pour soutenir le Liban et qu'elle continuera à le faire». Par ailleurs, il a indiqué que «l'Algérie a toujours œuvré pour une enquête approfondie sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, mais en l'absence de preuves spécifiques, ne tenait pas à blâmer la Syrie». Pour A. Bouzaher, selon ce câble, «l'Algérie a beaucoup souffert, avec la Syrie, dans les années 1990 sur la question du terrorisme, mais que cela est en train de s'améliorer». L'ambassadeur Pearce est revenu à la charge sur le rôle que «devrait» jouer l'Algérie dans le monde arabe en estimant «quil serait utile que l'Algérie soit parmi ceux qui prennent les devants par son «ré-engagement» avec l'Irak.» Washington s'intéresse aux «harraga» Un autre câble révélé par WikiLeaks, signé par Thomas Daughton, le numéro deux de l'ambassade des Etats-Unis à Alger, du temps de Robert Ford, aborde la question tragique des «harraga». Classé «confidentiel» et daté du 13 juillet 2008, Thomas Daughton, raconte dans ce message son déplacement à Annaba, un des points de départ des «harraga». Il note dans ce câble, que des «policiers présents sur la plage de Sidi Salem» se contentaient de «regarder les harraga, les laissant préparer leurs embarcations». Il affirme que toutes les catégories sociales font partie de ces traversées périlleuses. Il révèle que «le petit-fils de l'ancien président Chadli Bendjedid, Mourad Bendjedid, 29 ans, a quitté le pays, par la mer, le 8 février 2007, avec six autres jeunes hommes, et n'a pas été retrouvé depuis».