La pression de la rue, à Tunis, pour exiger la démission du gouvernement de transition et des ministres issus du régime Ben Ali, a pris hier une nouvelle dimension avec le siège du palais du Premier ministre, initié par un millier de jeunes déshérités venus du centre du pays. La poursuite des manifestations tout au long du week-end à Tunis a relancé les spéculations sur la capacité du gouvernement provisoire à résister à la pression populaire, alors qu'un appel à la grève illimitée des enseignants du primaire a été lancé pour lundi, date théorique de reprise des cours. «Le peuple vient faire tomber le gouvernement», scandaient dès l'aube les participants à la «Caravane de la libération» partie la veille du centre-ouest pauvre et rural du pays, dans les rues encore désertes de la capitale. Rejoints par un flot continu de manifestants de Tunis, ils ont été les premiers à faire le siège de la Primature, débordant des cordons de policiers et de militaires. «Ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution», «On ne va pas vendre le sang des martyrs», proclamaient deux banderoles accrochées aux grilles du bâtiment, témoignant de la défiance de la rue à l'égard du nouveau gouvernement, dominé par les caciques de l'ancien régime. Les manifestants brandissaient les portraits des victimes de la répression du soulèvement populaire au cours duquel au moins 100 personnes ont trouvé la mort, selon l'ONU. Quelques membres des forces de l'ordre se tenaient devant les lourdes portes de bois massif de la Primature, qu'un graffiti a rebaptisé «ministère du peuple». D'autres groupes de province continuaient d'affluer. «Nous sommes venus de Menzel Bouzaiane, de Sidi Bouzid, de Regueb pour faire tomber les derniers restes de la dictature», lance le vieux Mohamed Layani, drapé dans un drapeau tunisien. Ces villes sont les principaux foyers de contestation du centre-ouest frondeur et déshérité, en première ligne lors de la révolte populaire – d'abord strictement sociale –qui devait provoquer, le 14 janvier, la chute brutale du président Ben Ali. Très contesté, le gouvernement semble tabler sur un essoufflement du mouvement dans les jours à venir et s'efforce de remettre le pays sur les rails en relançant notamment l'activité économique. Les autorités ont par ailleurs annoncé, hier, l'arrestation et l'assignation à résidence de deux des plus proches collaborateurs de Ben Ali, le président du Sénat et ancien ministre de l'Intérieur Abdallah Kallel, et l'éminence grise du régime, Abdelaziz Ben Dhia. Un autre proche, Abdelwahab Abdallah, qui avait la main haute sur l'information, est «recherché», selon l'agence officielle TAP.